Eté 2014 – L’impossible épilogue

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épilogue

L’automne est là. Demain Kippour, le Grand Pardon. Voilà plus d’un mois que la guerre est finie, plus exactement le 27 août dernier, que la sirène ne retentit plus, que nous ne devons plus chercher un abri, entendre les déflagrations et remercier le Dôme de fer. Depuis, je me dis et me redis, chaque jour, que je devrais écrire une sorte d’épilogue. Sans succès. Je m’installe devant mon ordinateur, écris trois phrases, en efface deux et renonce. Finalement, à l’approche de Rosh Hachana, pour faire le point sur cette difficile année,  je décide de relire, pour la première fois, d’un trait, mon « journal de guerre ». C’est incroyable tout ce que nous avons vécu pendant cet été, pendant ces 50 jours de guerre.  C’est presque occulté. Tout le monde a voulu retrouver le plus vite possible sa vie normale, sa vie d’avant, la routine des jours.  Comme si tout allait bien. Comme si on avait oublié. Comme si on ne savait pas que tout pourrait recommencer. Bien sûr, on sursaute encore lorsqu’il y a un bruit qui rappelle le sirène.  Beaucoup d’entre nous, ressentent un malaise diffus, un peu moins d’énergie, un peu moins de joie de vivre. Danielle, de la librairie française Vice-Versa à Jérusalem parle de  blues de l’après-guerre. Je veux faire comme si de rien n’était mais je pense à tous ceux pour qui c’est impossible. Aux 72 personnes qui sont mortes et à leurs familles. Aux parents du petit Daniel Tregerman qui ne veulent plus revivre dans leur village. Aux trois enfants de Dror Hanin, le premier civil tué, qui vont célébrer les fêtes sans leur père.  A Moshe Etsion, le père de Zeev Etsion, tué juste avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Moshé Etzion, membre du kibboutz Nirim, est un des « Enfants de Téhéran », qui a erré avec son frère pendant trois ans de Pologne avant d’arriver en Palestine en passant par Téhéran.

A Eitan Barak, le premier soldat tué à Gaza. Ses amis veulent réaliser un documentaire sur lui pour qu’on donne à la plage du sud d’Herzliya qu’il aimait tellement son nom. La chanson de Rita a été écrite spécialement pour Eitan.

Aux blessés qui luttent. A Gadi Yarkoni, l’administrateur de Nirim qui a perdu ses jambes et qui ne pense qu’à s’occuper de son kibboutz. A la mère d’Oron Shaul qui n’a pas de tombe où se recueillir et qui, dans une interview, murmure que bien qu’elle ait fait shiva, elle croit tout au fond d’elle que peut-être il reviendra. A ces trois soldats qui victimes de symptôme post-traumatique se sont suicidés et pour qui la guerre finie, elle durait encore.

Entre temps, il y a eu la rentrée des classes. Les enfants se plaignent, on leur a volé leurs vacances. Il y a eu la recrudescence des actes antisémites dans le monde et particulièrement en Europe. Il y a eu les décapitations de John Foley, Steven Sotloff, David Haines et Hervé Gourdel. Il y a eu la mise en place d’une coalition pour combattre les assassins de l’Etat islamique. Des frappes américaines. Pas d’images. Combien de civils blessés ? Les membres du Hamas qui avaient kidnappé les trois adolescents se sont opposés par la force à leur arrestation et ont été tués. Il y a eu des fausses alertes. 15 septembre, fausse alerte. Jeudi 18 septembre aussi. Sauf que je ne suis pas sûre du sens de fausse alerte, la sirène s’est-elle mise en route toute seule ? ou les roquettes ont-elles eté tirées mais n’ont pas atterri en Israël. On a eu aussi des roquettes sur le Golan. Un avion syrien qui a violé l’espace aérien israélien a été abattu. Il y a eu la préparation des fêtes. Et rien n’avance. Je ne sais pas ce qui se passe à Gaza. Achemine-t-on déjà de l’aide ? Que pense la population ? Démilitarisation? Levée du blocus ? Recherche d’une solution ? Discussions ? Il parait qu’il y aurait des discussions secrètes, les officielles devant reprendre fin octobre.

Et moi, comme les autres, je suis apathique. Je ne pose pas trop de questions. J’attends. Quoi ? Le prochain missile ? La prochaine guerre ? On a gagné ? On a perdu ? De toutes façons, comme le dit Esther : Dès qu’on a des morts, on a perdu.

Alors, je me suis étourdie dans la musique. Le bonheur d’être ensemble dans l’amphithéâtre d’Hérode à Césarée lors du concert de Yehuda Poliker, un concert reporté qui devait initialement avoir lieu au mois de juillet. Puis le concert de Lady Gaga qui n’a pas céder aux appels au boycott et qui déclare haut et fort son amour de ce pays.  Je me souviens que pendant la crise,  je voyais l’affiche annonçant son concert le 13 septembre sur les murs de Tel Aviv et je me demandais si à ce moment-là tout serait calme ou si elle allait décider de ne pas venir. Le concert de Keren Ann.

Et la soirée au Barby avec Neta ElKayam et Maurice ElMedioni.

Et hier soir, les Slihot, en plein air, dans le port de Tel Aviv avec le magnifique orchestre andalou d’Ashkelon.

Je remercie mon amie Agnès à qui je racontais ma difficulté d’écrire ce dernier texte sur la guerre de l’été 2014 qui en a trouvé le titre : L’impossible épilogue. Je vous remercie de m’avoir suivie si fidèlement, de m’avoir encouragée à poursuivre mon journal et merci pour vos dons qui ont permis une plus grande diffusion de mes textes.

Et je cite Martin Luther King : L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité, seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine, l’amour le peut. En espérant que la concomitance cette année de la fête de Kippour et de celle de l’Aid El-Kebir soit un signe de paix.

A l’approche de Yom Kippour, je ne peux que demander pardon à ceux que j’ai pu offensés et vous souhaiter à tous d’être inscrits dans le Livre de la Vie.

Israël : Le 50e jour

Israël : 48e et 49e jours – Pour que ce soit pire ?

Israël : 46e et 47e jours – Un petit garçon aux couleurs de l’Argentine

Israel : 44e et 45e jours – Record de roquettes

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