Les 10 ans de Kef Israël

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Je fête ce 3 décembre 2018 les 10 ans de Kef Israël. Je publie ici pour l’occasion un article paru dans le Continuum n°14, la revue des Ecrivains israéliens de langue française  qui célébrait les 70 ans de l’Etat d’Israël.

Blogueuse en Israël depuis 10 ans

Cette volonté d’éprouver, d’unir, d’entendre aussi bien la joie de l’instant que la menace de l’heure.  Yves Bonnefoy

Après une interruption de dix ans, je suis revenue vivre en Israël en août 2008. En décembre de cette même année, je mettais en ligne le blog Kef Israël. J’avais envie de partager mon enthousiasme d’être de retour dans ce pays. A Bruxelles, j’étais responsable du contenu du site web de l’Ambassade d’Israël en Belgique. Là, j’ai compris à quel point l’image d’Israël était au mieux toujours liée au conflit, au pire, totalement distordue. Je me suis dit que la meilleure façon de contrer cette image était de parler de culture et des petits bonheurs de la vie quotidienne en Israël. Pas de manière informative ni académique mais de faire entrer les lecteurs dans cette vie, de mettre en avant une communication plus personnelle où l’individu est au centre et non l’information.

Je ne savais pas ce 3 décembre 2008 que ce blog allait prendre tellement de place dans ma vie. Au fil des articles postés, les lecteurs sont devenus de plus en plus nombreux, ma présence sur les médias sociaux s’est accrue et j’ai compris que j’amenais une voix nouvelle, qu’on pouvait parler du quotidien d’Israël ou pour être plus exacte de mon quotidien en Israël, mettre en lumière seulement le kef, le plaisir, ne pas faire de sensationnalisme et être lue ! C’est une ligne de rédaction sans doute un peu naïve mais dénigrer Israël ou mettre en avant ses zones sombres, une pléthore de médias et d’individus s’en chargent avec grand succès.

En 2010, j’ai pu constater que bloguer, c’était aussi influencer. J’ai écrit un billet court Boycott culturel d’Israël à Aix-en-Provence, pas très kef celui-là, où j’expliquais que mon amie Esther Orner ne pouvait participer à un colloque parce que des écrivains arabes s’y opposaient. Ce billet a été repris maintes fois et l’information est apparue dans la presse française tant et si bien que le  président de l’Université a dû intervenir.

Seule, devant mon ordinateur, grâce au blog, je pouvais réparer (un tout petit peu !) le monde. J’ai donc continué à parler de littérature à la plage, de cuisine et d’écriture, de musique et de technologie, de cinéma et de musées, de marchés et de poésie, à essayer d’apprivoiser l’instantané, à prendre plaisir à cette écriture immédiate.

Puis à l’été 2014, j’ai découvert que je n’avais pas seulement des lecteurs mais bien une communauté qui voulait connaître le quotidien des Israéliens et pas seulement voir les images de la guerre à Gaza. Le 9 juillet, j’ai commencé un journal : Eté 2014, La vie quotidienne sous les missiles. Je ne savais pas alors que je m’engageais à écrire pendant cinquante jours, la durée de cette guerre.  Au fur à mesure, les lecteurs sont devenus de plus en plus nombreux, ceux qui vivaient en Israël me disaient que j’écrivais ce qu’ils ressentaient, et ceux hors d’Israël, étaient reconnaissants d’obtenir un autre éclairage.

Après l’été 2014, j’ai retrouvé mes sujets culturels et touristiques privilégiés et des sujets dont je traite volontiers car ils sont liés aux occupations de mon entourage : l’art contemporain et les média sociaux grâce à ma fille Sarah du blog Oh So Arty et sa toute nouvelle plateforme d’achat d’art contemporain israélien en ligne Art Source, la technologie et les start-up grâce à mon fils Dan et notamment Nexar, le surf grâce à ma fille Anaël, la mode et spécialement celle en 3D grâce à Danit, ma belle-fille, la cuisine grâce aux recettes de Mimi, ma belle-mère qui va sur ses 97 ans, le jardinage grâce à Charles et le thé grâce au Palais des Thés Israël où je travaille et qui, en quelque sorte, me sponsorise.  Et bientôt, il y aura sûrement beaucoup d’articles sur les enfants en Israël puisque je suis devenue grand-mère d’un petit Léo Itzhak ! Des amies proches apportent leur contribution active, Brigitte C. pour le cinéma israélien et Esther Orner pour la littérature. J’ai aussi mis en ligne des textes publiés dans la revue Continuum, la revue des Ecrivains israéliens de langue française.

Bloguer, c’est aussi exposer sa vie. Quand Anaël a rejoint Tsahal, c’est comme si tous les lecteurs avaient eu un enfant qui entrait à l’armée, quand il y a eu l’attentat à Dizengoff près du Palais des Thés le 1er janvier 2016, les lecteurs ont eu peur avec, pour moi.

Et puis bloguer à Tel Aviv m’a permis d’aiguiser mon regard (on me le reproche quelquefois, mais c’est vrai, c’est souvent Kef Tel Aviv plus que Kef Israël) parce que je ne peux écrire que sur ce que je connais. De là est venue, l’idée de ma série Tel Aviv : en marchant, en écrivant, une paraphrase d’En lisant, en écrivant de Julien Gracq et d’En vivant, en écrivant d’Annie Dillard, où je marche à Tel Aviv. Le but : Parcourir toutes les rues de Tel Aviv. Tracer sur une carte mon parcours. Après chaque marche, écrire. J’ai écrit plus de cinquante promenades et déjà certaines rues où je suis passée ne se ressemblent plus. Je me rends compte que je suis aussi témoin de Tel Aviv de ce début du XXIe siècle.

Le blog m’a révélé des qualités que je m’ignorais. Moi la myope, je suis capable de prendre des photos ! Et c’est une écriture qui me va bien. Elle invite aux associations et aux digressions, il suffit d’ajouter un lien et d’ouvrir une fenêtre. Elle privilégie la phrase courte et les formules. Le bref, le passage d’un média à l’autre, l’image et la vidéo sont une invitation au voyage. Pourtant, ce n’est pas toujours simple, il y faut de l’endurance et de la persévérance.  Bloguer, c’est ne pas hésiter à se dévoiler et en s’exposant, se prêter à la critique et quelquefois à l’injure.

Certains considèrent que “bloguer” est un mot péjoratif, – je reconnais que c’est un drôle de mot à la sonorité pas très heureuse entre bogue et blague – parce que ce n’est ni du journalisme, ni de la littérature, un produit hybride, une communication qui mélange tous les médias. Et, quelques fois, j’ai envie de renoncer, de baisser les bras. En hébreu, baisser les bras se dit להרים ידיים , leharim yadaïm, ce qui se traduit en français par lever les bras. En hébreu, même si on renonce, on se tourne toujours vers le ciel !

Pourtant je persiste parce que c’est mon espace de liberté, je suis la seule à me donner des contraintes, à choisir ce que je vais écrire, ce que je vais mettre en ligne et parce qu’elle réserve aussi cette vie de blogueuse des moments de grands bonheurs : sortir des personnes de l’oubli même si elles ne sont pas célèbres ou permettre à un lecteur de retrouver une tombe oubliée : La tombe d’Etienne J. COÏDAN que vous avez découverte est celle de mon arrière grand père dont je connais l’histoire mais dont je ne connaissais pas le lieu de la sépulture. Merci mille fois ! Il a eu quatre enfants dont mon grand-père né à Alep. Son épouse était une suissesse de Zurich qui est inhumée à Marseille.

J’ai l’impression que grâce à l’écriture de Kef Israël je suis devenue plus sensible, que je suis encore plus attentive aux détails, que mon regard est devenu plus acéré. Je viens d’apprendre que 70 en hébreu, comme les 70 ans de l’Etat d’Israël est représenté par la lettre ע, aïn, qui veut dire aussi oeil. Ecrire, animer un blog incite à garder les yeux grand ouverts. Je vais continuer à regarder ce qui se passe autour de moi, à observer le monde qui m’entoure, à écrire pour déclarer mon amour à ce miracle, le pays où je vis.

Rachel Samoul

 

Kef Israël

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