Le jour où je suis devenue Israélienne

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Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas le jour où j’ai fait mon alyah ni celui où j’ai reçu ma carte d’identité bleue, ni même celui où pour la première fois j’ai glissé mon bulletin de vote pour élire des députés à la Knesset.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas le jour où j’ai troqué mon croissant pour une shakshouka, ni celui où j’ai laissé tomber la baguette pour de la pita, du houmous, de la tehina et de la salade concombres-tomates ni même celui où le cottage et le labané sont devenus mes laitages préférés.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas le jour où pour la première fois j’ai entendu retentir une sirène ni celui où j’ai du courir aux abris ni même celui où j’ai tremblé de peur pour mes enfants qui étaient à la plage lors de l’alerte.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas le jour où moi-aussi j’ai commencé à dépasser dans les files d’attente ni celui où j’ai haussé la voix pour me faire entendre ni même celui où je me suis énervée contre un fonctionnaire incompétent.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas celui où j’ai pu mener une conversation en hébreu,  ni celui où j’ai réussi à maîtriser l’accord des adjectifs cardinaux, ni même celui où j’ai été capable de lire un livre d’Amos Oz en hébreu.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas celui où j’ai été fière qu’une athlète gagne une médaille, ni celui où un film israélien a été nominé aux Oscars, ni même celui où Maccabi Tel Aviv est devenu Champion d’Europe de basket.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas celui où lors de Yom HaShoah et de Yom HaHatsmaout, je me suis immobilisée dans la rue pour me recueillir pendant la sirène du Souvenir.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas celui où j’ai arpenté le pays de Tel Aviv à Jérusalem, de Kyriat Shmona à Eilat, de Daliat El-Carmel à Beer-Sheva et que je l’ai trouvé beau, ni celui-ci où je me suis extasiée sur les mosaïques de Beth-Alpha ni même celui où j’ai marché dans le désert d’Ein Guédi.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas celui où j’ai su qui était Bialik et Arlozoroff, ni celui où j’ai entendu parler de l’Altalena ni même celui où j’ai appris par coeur les paroles de toute l’Hatiqva pas seulement celles du refrain.

Le jour où je suis devenue Israélienne, ce n’est pas celui où j’ai entendu les hurlements des sirènes de trop d’ambulances et que j’ai compris qu’il y avait eu un attentat, ni celui où après avoir entendu des coups de feu et vu des gens courir, je me suis réfugiée dans les toilettes de ma boutique à Dizengoff à Tel Aviv, ni même celui où j’ai eu l’impression d’être personnellement poursuivie lors de l’attaque à Sarona Market.

Le jour où je suis devenue Israélienne ce n’est pas celui où j’ai réalisé que je n’avais plus peur, ni celui où je n’ai plus été dérangé par le manque d’étiquette et de politesse, ni même celui où j’ai commencé à apprécier cette atmosphère décontractée, désordonnée et tellement vivante.

Non, ce ne sont pas lors de toutes ces journées-là que je suis devenue Israélienne.

Le jour où je suis devenue Israélienne, c’est le matin de ce dimanche 17 juillet 2016 quand j’ai accompagné ma fille Anaël de tout juste 18 ans au Lishkat HaGiyous, au Bureau d’Incorporation et qu’elle est partie à l’armée.

Rachel Samoul

Le jour où je suis devenue Israélienne

 

 

     
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