Le mouvement sioniste et le Yichouv

Share

Conclusion de notre feuilleton historique “Renaissance d’une nation : Les Juifs de Palestine, de l’Antiquité à l’apparition du mouvement sioniste.”  par Nathan Weinstock. 

Quelques observations pour conclure

Pour peu que l’on s’efforce d’aborder sereinement la question, on s’aperçoit que le sionisme en tant que programme politique visant à créer un foyer national juif sur le territoire de la Terre Sainte ayant vocation à devenir un Etat juif n’a pu y prendre racine qu’en prenant appui sur le Vieux Yichouv, c’est-à-dire la communauté juive locale, à majorité orientale et sépharade qui y constituait depuis toujours une composante de la population locale. Et pourtant il faut bien constater que le rôle et l’importance de ce Yichouv – à  composition majoritairement orientale –  ainsi que les modalités qui ont présidé à sa constitution au cours des siècles font le plus souvent l’objet d’un silence qui confine au déni. Sans doute parce que ces considérations ne cadrent guère avec la volonté de diabolisation ambiante. D’où l’urgence de sortir ces pages d’histoire de l’oubli pour parvenir à une véritable compréhension du sujet.

Plus précisément, les objectifs du mouvement sioniste s’inscrivaient dans l’exacte prolongation du processus qui a vu la communauté juive de Palestine revendiquer graduellement à partir du XIXe siècle le statut de minorité nationale. Prise de conscience nationalitaire qui s’inscrivait d’ailleurs d’une certaine manière dans le projet jeune-turc de citoyenneté multinationale, lequel n’était pas sans présenter lui-même des similitudes frappantes avec le principe austro-marxiste  d’« autonomie nationale-culturelle ». L’immigration juive, loin de constituer un processus de conquête d’un territoire de  l’Orient islamique par des Occidentaux « blancs » conformément au schéma colonial traditionnel (dès le début de la Première alyah elle est le fait de centaines de Juifs arabes du Yémen – les seuls véritables prolétaires juifs de Palestine selon le dirigeant sioniste-socialiste Arlosoroff), s’inscrivait tout simplement dans la continuité d’un courant démographique plus que millénaire de retour au pays ancestral.

L’analogie qui s’impose à cet égard est celle de la volonté de réintégrer la terre ancestrale qui a animé les esclaves noirs affranchis qui sont retournés en Afrique (à Libreville, à Freetown et au Libéria) pour y retrouver leurs racines et s’y épanouir dans une liberté retrouvée (conformément à la devise adoptée par le du Libéria : The Love of Liberty brought us here, « C’est l‘amour de la liberté qui nous a conduits ici » ) dans le cadre du mouvement Back to Africa (« Retour à l’Afrique »). Ce qui ne signifie naturellement pas que le comportement de ces pionniers et leur attitude vis-à-vis des autochtones non-juifs (tout comme aussi à l’égard des Juifs indigènes) n’aient pu présenter parfois quelques analogies troublantes avec l’expansion coloniale : on n’échappe jamais totalement aux travers de son époque.

Nathan WEINSTOCK

Du « Vieux Yichouv » à la nation israélienne : un parcours bimillénaire 

© Tous droits réservés – Reproduction interdite sans autorisation de l’auteur 

nation

Pour en savoir plus, lisez le livre de Nathan Weinstock, “Renaissance d’une nation: Les Juifs de Palestine, de l’Antiquité à l’apparition du mouvement sioniste”

Lire la première partie : Du vieux Yichouv à la nation israélienne, un parcours bimillénaire
Lire la deuxième partie : Les communautés de la Diaspora, un attachement indéfectible à la Terre d’Israël
Lire la troisième partie : Présence juive en Terre Sainte et tradition islamique
Lire la quatrième partie : La condition des Juifs de Terre Sainte après la conquête arabe
Lire la cinquième partie : La minorité juive sous les Fatimides, les Croisés puis les Mamelouks
Lire la sixième partie : Le Yichouv après la conquête ottomane
Lire la septième partie : Exaltation messianique et dissidence caraïte
Lire la huitième partie : XIIIe siècle: Les premières vagues d’immigrants, le renouveau du Yichouv 
Lire la neuvième partie : L’exode sépharade vers la Terre Sainte
Lire la dixième partie : Reprise et intensification du mouvement migratoire à partir de 1700
Lire la onzième partie : Les Juifs du Palestine au XVII et XVIIIe siècles
Lire la douzième partie : XIXe siècle: La Palestine, terre d’immigration
Lire la treizième partie : La renaissance de l’hébreu
Lire la quatorzième partie : Naissance d’une communauté
Lire la quinzième partie : Naissance du mouvement sioniste

 

     
Share