Daniel Barenboïm, De la Musique avant toute chose

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Une note de lecture d’Esther Orner qui sera publié dans le n°15 de la revue Continuum, la revue des Ecrivains israéliens de langue française.

Daniel Barenboïm, De la Musique avant toute chose, Myriam Anissimov, Ed Tallandier (395 pages)

Myriam Anissimov termine la biographie du Maestro Daniel Barenboïm par cette phrase : Barenboïm est un cas unique dans l’histoire de la musiqueElle l’a démontré tout le long de cette passionnante biographie qui n’est pas son premier coup d’essai. Nous avons lu ses romans ainsi que ses biographies qui font autorité : Primo Levi ou la tragédie d’un optimiste (Lattès 1996), Roman Gary, le Caméléon (Denoël 2004), Vassili Grossman, un écrivain de combat (Seuil 2012). Les trois sont des écrivains qui font partie de la littérature mondiale. Cette fois il s’agit d’un pianiste et chef d’orchestre, lui aussi a fait et continue une grande carrière internationale. Et il s’avère une fois de plus que Myriam Anissimov est la personne adéquate. Mélomane, elle même, ce qui ne saurait suffire, elle a collaboré au Monde de la musique pendant plus de dix ans.

Tout les quatre sont juifs, Myriam Anissimov aussi, je suppose que ce n’est pas un hasard – il s’agit d’une même histoire de fond et de questions d’identité similaires, pour le reste c’est l’individu qui prime. Comme dans toute bonne biographie nous apprenons plein de détails sur la personne, sur l’entourage, sur le milieu, sur les origines familiales, sur la grande Histoire qu’ils ont traversé ou qu’ils traversent.

Cinq chapitres qui par leurs titres dessinent le personnage : I D’Odessa à Buenos Aires. II De l’Amour. III La Grande Vie. IV Vers les sommets. V Musique et Humanisme.

Formé d’abord par sa mère pianiste et puis par son père pianiste aussi qui sera son seul enseignant jusqu’à ses 22 ans. L’enfant prodige né en Argentine en 1942 grandira en Israel à partir de 1952 et de là rayonnera dans le monde entier. Il dirigera les plus prestigieux orchestres.  Il vit à Berlin, dirige le Staatsoper, le premier opéra berlinois et il est chef à vie de la Staatskapelle.

Sa première femme Jacqueline du Pré, il la rencontrera chez Zamira, musicienne et fille de Menuhin. Ses fréquentations comme bon nombre de musiciens est celui du monde musical. Myriam Anissimov donne à celle que l’on nomme Jackie une place prépondérante dans son livre. Enfant prodige comme celui qui est nommé Dany, sa carrière liée à son propre talent sera interrompue à cause de sa sclérose en plaques. Elle est morte à l’âge de 42 ans. Et à ses côtés Dany qui l’a soutenue jusqu’au bout. Elle est enterrée au cimetière juif de Londres.

Lors de leur première rencontre, il jouèrent  « sans échanger une parole, il dialoguèrent pendant quatre heures. »  Elle dira à propos de cette soirée « C’était comme si nous avions joué ensemble depuis toujours. Le choc était énorme. C’était la première fois que je pouvais communiquer si intensément avec quelqu’un ». Et « Quand on interroge aujourd’hui Barenboïm à propos de sa rencontre avec Jacqueline, une sorte de tristesse envahit ses yeux clairs » Et il dit «  Elle ne faisait pas de la musique, elle était la musique. Ce n’était pas le sang qui coulait dans ses veines, mais la musique même »  (p 130 et 131)

Barenboïm a essayé d’imposer Wagner en Israël, sans aucun succès. Il devra attendre que plus aucun de ceux qui ont subi la Shoah disparaissent sans compter qu’ils ont dû transmettre aux générations à venir. Entre temps il dirige des opéras de Wagner au fameux festival de Bayreuth. Myriam Anissimov ne tranche pas, elle décrit. De même au sujet de la grande rencontre ou du coup de foudre entre Barenboïm et Edward Saïd, palestinien chrétien professeur de littérature à New York qui sera à la base de la création du West Eastern Divan Orchestra. Des musiciens arabes et israéliens joueront ensemble dans le monde entier sauf en Israël et une seule fois à Ramallah.

Barenboïm ne cache pas ses positions sur le conflit Israélo-Palestinien, il publie des articles dans toute la presse et regrette amèrement que les Palestiniens n’ont toujours pas d’état. Ce qui me fait penser à Abba Ebban qui disait que les Arabes ne rataient jamais une occasion de rater. Et si seulement ils avaient accepté le partage proposé par l’ONU en 1947 plutôt que d’attaquer le futur état d’Israel, l’histoire aurait peut-être été moins compliquée.  Comme on peut le voir Barenboïm malgré la musique avant toute chose,  a des convictions pour lesquelles il sait lutter et qui fâchent sans que l’on remette en cause son immense talent musical.

©Esher Orner

 

     
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