Les tendances de la musique israélienne 5780 – Static et Ben El et Chem Tov Evi

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Dans le cadre du Billet de l’Invité, j’ai le plaisir d’accueillir mon ami le Docteur Alain Horowitz qui a écrit pour Kef Israël sur le vin israélien et qui apprécie tout autant la musique israélienne ! Il nous propose un état des lieux très intéressant de la musique pop israélienne.

Après les chanteuses, voici le second volet sur le hit-parade 5780 de la musique pop israélienne concernant cette fois les artistes masculins.

Le hit-parade 5780

Année étonnante, pleine de surprises et de renouveau. Au niveau des artistes, mais également au niveau du public. Au lieu d’auditeurs lassés et sans perspective, nous avons été témoins d’un nombre record de votants. Il y a eu 120 000 participants au vote du hit-parade de Galgalatz/Ynet (2,3), ce qui ferait grosso modo près d’un million de votants à l’image de la France. Et ceci sans compter le second hit-parade de Reshet Gimel.(1)

Côté chanteurs, on a retrouvé le même dynamisme que côté femmes, et une semblable créativité foisonnante, en ébullition, mais l’expression en a été différente, presque à des années lumière des artiste féminines. Cette fois, c’est le romantisme qui domine, les chansons d’amour sentimentales, et les paroles ayant un sens et une profondeur. Amour charnel certes, mais également amour de Dieu, avec une recherche de réponses spirituelles et une utilisation de sources provenant du judaïsme, voire même des paroles s’adressant carrément à l’Eternel. Ce serait un peu le retour du Rabbi Shlomo Carlebach des années 70, mais en nettement plus personnel tout en étant teinté de soul funk groove bien actuel. Comme l’expliquait Eviatar Banai, on peut à la fois adorer Dieu et Jimi Hendrix. Nous verrons ceci dans le troisième volet avec la pop emouni, la pop de ceux qui croient en Dieu.

Mais commençons par le côté hip hop. Si dans le genre rythmé l’an 5780 restera la grande fête de ces dames, il y a quand même quelques entrées intéressantes côté hommes.

Static et Ben El sont primés comme groupe de l’année 5780. Ils sont, tout comme Noa Kirel, devenus en relativement peu de temps un duo incontournable sur la scène, et donnent le ton pour tout ce qui touche le public jeune. Et ce n’est pas un hasard s’ils partagent le même producteur de musique avec Noa Kirel, le dénommé Jordi, voir ci après.

Static et Ben El, ce duo vous rappelle-t-il quelque chose? Ceci vous rafraichira la mémoire…

Improbable rencontre entre Liraz Rosso, dit Static, jeune rappeur des Kraiot, les cités-banlieues entre Haifa et Acre, qui commence à travailler en 2015 avec Jordi, producteur musical prodige âgé de 25 ans à peine capable de sortir n’importe quel son du programme de synthétiseur qu’il a lui-même mis au point. Static cherche un vocaliste pour l’accompagner pour la chanson sur laquelle il travaille avec Jordi et celui-ci lui propose Ben El Tavori, fils du chanteur Shimi Tavori, vedette du genre Mizrahi (4). Static est réticent, lui rappeur hip hop dansant et ondulant, avec Ben El Tavori, un chanteur mizrahi de plus, quel rapport ? De plus Ben El (5) habite Tel Aviv et Static dans le Nord, pas très pratique. Mais dès leur première rencontre, la magie se produit ! Depuis, ils sont inséparables, travaillant plus que jamais avec Jordi, Yarden Peleg de son vrai nom. Chaque nouvel album fait mouche avec plusieurs tubes et leurs clips video plus inventifs et variés que les précédents, ici une touche africaine, là une palette brésilienne, des paroles en japonais ou des sons de bouzouki. Leur musique dépasse toutes les frontières et donne lieu à un buzz et des réactions en chaîne partout sur le globe, c’en est à peine croyable. Par exemple Tudo bom, qui signifie tout baigne en portuguais ou en brésilien, a généré d’innombrables commentaires enthousiastes dans les médias et les réseaux sociaux portuguais et encore plus brésiliens.

Static et Ben El, cela reste du hiphop mais aux couleurs locales israéliennes, tout en puisant sans gêne aucune dans la world music. Ils aiment réaliser des trios, avec Nasrin Kadri par exemple, voir le tube Habib Albi dans la première partie du billet, une de leurs deux entrées au hit-parade 5780, ou avec Miri Messika, Eden Ben Zaken, Stephane Legar, Omer Adam et j’en passe. Ils embrigadent Titi, ex miss Israël d’origine Ethiopienne. Ou Anna Zak, voir ciaprès. Et dernièrement, un trio avec Pitbull, le rappeur Latino no 1 des Etats Unis.

Petite astuce, Jordi, leur producteur de musique est discrètement présent dans chaque clip video, comme Alfred Hitchcock à l’époque qui faisait une apparition presque imperceptible dans chacun de ses films. Il suffit de le chercher pour le trouver.

Quelque part au milieu du clip de Tudo Bom, à gauche le maire Ron Huldai, à droite Jordi le producteur, en uniforme de flic, sur la place Bialik à Tel Aviv.

Leurs tubes de ces dernières années et leurs clips vidéos sont devenus de plus en plus sophistiqués, et récoltent couramment entre 20 et 60 millions de vues. Leur prochain défi ? les Etats Unis, la machine est déjà en marche.

Kubiot

Kubiot, les dés, ou alors les cubes de glace mais kubiot signifie également, en argot hébraïque, les muscles abdominaux bien développés et apparents. Static et Ben El avec Anna Zak, jeune mannequin-chanteuse-danseuse dans le rôle de la petite sirène, le clip de Kubiot a donné lieu à un sacré traffic sur Tik Tok quand des centaines d’Israéliens ont improvisé une reprise du petit numéro d’Anna Zak avec le perroquet, librement adapté du clip de la chanson. À voir, c’est drôle et trop cocasse. Et le perroquet, c’est Jordi !

Sur Tiktok, taper : duet with anna.zak# et ne regarder que que ceux avec Anna Zak en tricot blanc à droite et son perroquet sur l’épaule

Chem Tov Evi

 Dans le genre rythmé, qui n’a donc pas été dominant côté chanteurs masculins, citons encore Chem Tov Hevi, avec un trap ouvertement comique. Il a composé un bref opéra de 24 minutes, autour de la complainte du citoyen, de l’homme de la rue. Une scène et chanson en style trap raconte ses sensations subjectives après que son dentiste lui ait anesthésié la moitié du visage… En voici une autre, la scène du tribunal, le jeune citoyen se défendant contre le système. Pour les amateurs du style farce très space.

Haezrah Hakatan

©Alain Horowitz

(1) Reshet Gimel, la troisième chaîne de la radio publique Israélienne, qui est consacrée uniquement à la musique israélienne et transmet donc plus de 90% de chansons en hébreu. Dans l’ensemble, les stations radio passent dans le genre pop deux tiers de musique étrangère essentiellement anglo-saxonne et un tiers de made in Israël

(2) Galgalatz, la chaîne FM de Galei Tzahal qui passe 24 heures sur 24 de la musique non stop avec très peu de parlote, mis à part les infos chaque heure et les infos routières. A Galei Tzahal, les ondes de Tzahal, comme sur Galgalatz la plupart des présentateurs sont en uniforme. Galgalatz est formé du mot galgal, la roue et un raccourci de Galei Tzahal. Roue car cela tourne en continu. Galgalatz a le plus fort taux d’écoute au niveau national depuis de nombreuses années.

(3) Ynet, le site online de Yedioth Ahronot, premier quotidien Israélien en ventes, si l’on excepte Israel Hayom qui est distribué gratuitement. Le website de Ynet est très populaire, en Israël comme dans nos communautés à l’étranger

(4) Mizrahi, Oriental, Méditerranéen. Musique israélienne populaire des immigrants de 1948 arrivés du Maroc, d’Algérie, du Yemen, d’Egypte et de Lybie, d’Iraq, Liban, Syrie mais également de Perse et de Turquie. Leur musique combinait des instruments traditionnels et des youyous et trémolos orientaux qui avaient la vertu d’irriter la population ashkenaze  alors confortablement dominante. Le genre Mizrahi n’était quasiment jamais diffusé à la radio. Il fallait acheter des cassettes en rue en ville ou à la Tahana Mercazit, la vétuste première gare d’autobus de Tel Aviv. Les choses ont bien changé ces 30 dernières années et la musique pop méditerranéenne israélienne fait actuellement pleinement partie du paysage, que ce soit sur la piste de danse des mariages et des Bar Mitzvot comme sur les radios officielles et régionales, et il y a pas mal de joint ventures avec la mainstream pop ashkenaze.

(5) Ben El, littéralement, fils de Dieu, ou en fait, le fils qui plaira à Dieu

Lire aussi : Les tendances de la musique pop israélienne de l’an 5780 – Les chanteuses

     

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