Entretien avec le maire de Tel-Aviv, Ron Houldaï, רון חולדאי

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Cet entretien a été publié dans L’Arche, le mensuel du judaïsme français,  du mois d’avril 2009.

L'arche, avril 2009

L'arche, avril 2009

Je rencontre Ron Huldaï רון חולדאי dans un café de Ramat Aviv, un des quartiers du nord de Tel-Aviv. Il a commandé un café au lait et un gâteau au fromage avec trois petites cuillères. Ben Ami, son responsable des relations publiques assiste à l’interview.
Ron Huldaï, membre du parti travailliste, est depuis 1998 le maire de Tel Aviv. Il entame son troisième mandat. Pilote de chasse, il a servi vingt six ans dans l’armée de l’air; puis il a été, de 1992 à 1998, directeur du lycée Herzliya, le plus ancien et le plus prestigieux établissement d’enseignement scolaire à Tel-Aviv.  Dans sa manière de s’exprimer, on retrouve le ton pragmatique d’un ancien militaire mâtiné d’une dose de pédagogie.

Beaucoup de français sont venus s’installer à Tel Aviv ou y ont acheté des appartements.  Savez-vous combien ?

Je ne sais pas, nous ne tenons pas de statistiques sur la nationalité ou  le pays d’origine des personnes qui achètent des appartements. Je suis simplement heureux que Tel Aviv soit si appréciée.

Il y a dix ans, quand je suis arrivée à la Mairie, le tourisme vers Tel Aviv était uniquement un tourisme d’affaires, un tourisme d’une nuit. J’ai œuvré pour que la ville devienne une destination de loisirs. Elle a tellement à offrir, tant d’atouts : cinq mille ans d’histoire avec Jaffa, une modernité incroyable, la mer et la plage, de la bonne chère, une offre culturelle impressionnante.

Pour que la ville soit perçue autrement, mes efforts se sont tournés vers trois publics cibles, les Anglais, les Allemands et les Français. Cette politique a porté ses fruits, le caractère touristique de la ville s’est imposé.

Cela dit, je crois que l’achat des appartements par les Français est plus lié à la réalité française qu’à ce qui se passe à Tel Aviv.


Certains habitants de Tel Aviv pensent que la hausse des prix des appartements est due à cet  investissement français.

Il y a une décennie, la ville était en faillite. Le nombre de personnes qui quittaient la ville était plus important que celui des personnes qui venaient s’y installer. Aujourd’hui, cette tendance s’est inversée. Pourquoi ? Tout simplement parce que la ville est devenue plus propre, plus verte, les trottoirs sont mieux entretenus. La qualité de vie à Tel Aviv est meilleure qu’ailleurs.

Plus de gens veulent vivre ici et donc les prix augmentent, cela n’a rien à voir avec l’achat d’appartements par des Français. C’est le jeu du marché.


De plus en plus de tours s’élèvent. On vous reproche de défigurer Tel Aviv.

Le sujet des tours n’est pas un sujet spécifique à Tel Aviv. A Paris aussi, Bertrand Delanoë se pose la question des tours. Plus de 50% de la population mondiale vit actuellement dans des villes. Si on ne construit pas de tours, la ville au lieu de s’étendre en hauteur va se distendre en largeur et les banlieues deviendront de plus en plus étendues et de plus en plus éloignées des centres de travail. Pour moi la question est donc : des tours oui, mais combien et à quelle hauteur ?
Ce qui est intéressant est que ce n’est pas un débat nouveau pour Tel Aviv. Au début, il y a cent ans, les maisons ne pouvaient avoir que deux étages puis on est passé à trois et ensuite à quatre, et à chaque fois il y a eu polémique.

On me reproche aujourd’hui la tour de Névé Tsedek (Neve Tsedek est le premier quartier construit hors de Jaffa en 1897.) Mais au contraire, la tour garantit que les maisons d’origine ne seront pas rehaussées.

Nous construisons des tours mais à côté, nous effectuons un colossal travail de rénovation: la première gare entre Jaffa et Jérusalem,  la Tahana, la Maison des Templiers…
La plupart des tours sont construites sur l’emplacement d’anciennes usines. Nous prévoyons une ceintures de tours, qui suivra le trajet de la ligne rouge du train léger.
Où en est ce projet de train léger?
Vingt-deux kilomètres dont onze souterrains du nord de Tel Aviv jusqu’à Bat Yam au sud. Cependant, cela ne dépend pas de la municipalité mais du gouvernement.  Et la crise économique mondiale ne facilite pas les choses, plusieurs banques retirent leur financement.

Vous êtes très actifs sur Internet, vous êtes sur Facebook, vous avez un blog.
J’ai envers ces moyens de communication un mouvement d’attraction/répulsion. Il n’est pas naturel pour moi de les utiliser. C’est même difficile. Mais je suis persuadé que il est impossible de ne pas les utiliser. Alors oui, j’ai un blog !

Tel Aviv fête son centenaire. De nombreuses festivités sont prévues. Quelle Tel Aviv, désirez-vous mettre en valeur?
Je pense que Tel Aviv est l’une des plus belles réalisations du sionisme. Il y a 100 ans, quelques familles tiraient au sort des lopins de sable. Aujourd’hui, c’est une métropole active et dynamique. Le New York Times la qualifie de capitale de la cool attitude du Moyen-Orient !
Elle est moderne, pluraliste, à la pointe de la recherche et de la technologie. Elle est accueillante et internationale.
Je vous avoue que je voulais être le maire de Tel Aviv pour son centenaire. C’est à mes yeux un symbole énorme.

Concrètement, comment se dérouleront ces festivités?
Le centenaire sera fêté sur trois niveaux.
D’abord, des activités de fond associés à des projets pédagogiques, en partenariat avec les écoles et les mouvements de jeunesse. Nous avons un projet auquel je tiens beaucoup : révéler la cité cachée. Pour conserver le patrimoine photographique de la ville, trois cent volontaires vont scanner et cataloguer des milliers de photographies appartenant à des particuliers.
Ensuite, une série d’événements festifs échelonnés, à partir d’avril, sur toute l’année : un marathon, La Scala à l’Opéra de Tel Aviv, des concerts, des expositions, un tapis de fleurs…
Et enfin, la rénovation de Tel Aviv. Le centenaire va avoir des retombées positives sur l’infrastructure de la cité. C’est dans une moindre mesure comme héberger les Jeux Olympiques ! Ce sont des cadeaux à la ville pour son anniversaire. A la fin du centenaire, Tel Aviv sera dotée de 100 kilomètres de piste cyclable, de nouveaux abribus ( d’ailleurs français), de Vélib… Le théâtre Habima ainsi que la place où il est situé, (qu’on appelle ici la place de la Culture), le port de Jaffa et le jardin Charles Clore seront complètement rénovés. Le Musée de Tel Aviv aura une nouvelle aile. La première Mairie de Tel Aviv, rue Bialik, sera entièrement restaurée. Elle abritera un centre sur l’histoire de Tel Aviv et le bureau du premier maire Meir Dizengoff sera refait à l’identique.

Sur la promenade le long de la mer, la Tayelet sera rallongée et ira d’Herzliya à Bat-Yam.


Est-ce que la France est associée aux festivités du centenaire ?

Nous avons des liens forts avec la France ; nous sommes jumelés avec Toulouse et avec Cannes. Une compagnie toulousaine va participer au festival du Théâtre Cameri. Bertrand Delanoë, que je considère comme un ami, nous rendra visite  pendant le centenaire. Et à Paris il y aura une rétrospective de films sur Tel Aviv et une fête le 15 juillet à Paris-Plage.


Vous lancez un concours afin de doter la ville de Tel Aviv d’un nouveau slogan. Vous avez une idée ?

J’aimerais bien que ce soit dans l’esprit de : A Tel Aviv, tout est possible…

Propos recueillis par Rachel Samoul

     
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