Pour une histoire du négationnisme

Share

L’année dernière pour Yom HasHoah, j’avais accueilli dans le cadre de ma rubrique Le Billet de l’invité,  Stephanie Courouble Share, spécialiste du négationnisme, chercheur associé à l’Institut Stephen Roth, Centre pour l’Etude de  l’Antisémitisme et du Racisme contemporain de l’Université de Tel Aviv. Son billet était intitulé: Le combat de la troisième génération.

Stéphanie a voulu cette année ajouter quelques commentaires à l’article de l’année dernière.

Un an a passé. J’avance dans l’écriture : j’ai terminé les trois premiers chapitres du livre, plus que deux.

La menace négationniste est encore présente et la légitimité qu’on donne à ces « assassins de la mémoire » est toujours dangereuse. Prenons juste un exemple, l’Académie française vient d’accepter Olivier Mathieu, négationniste franco-belge, à la candidature d’un fauteuil vacant. Comment est ce possible ? N’est ce pas trop d’honneur accordé à un auteur antisémite et négationniste tel que lui ? Peut être que je devrais essayer moi aussi de m’y inscrire à l’Académie française et qu’ils me le donneront le siège de Lévi-Strauss !

Je suis scandalisée de voir ainsi l’importance accordée à ces auteurs comme si le négationnisme qui ne choque plus, était rentré dans les mœurs. Mais lorsque j’observe le phénomène internationalement, je pense que les négationnistes commencent à être moins présents sur la scène publique, ou du moins, ils ne sont plus perçus comme des intellectuels qui détiendraient « la Vérité », celle qui est « venue d’ailleurs ». L’un des plus grands négationnistes américains, Mark Weber, directeur de l’Institute for Historical Review (L’Institut pour la Révision de l’histoire), confesse : « Il faut l’avouer, le succès du révisionnisme est faible » et il conclut : « la vraie bataille se trouve être contre le pouvoir judéo-sioniste où le « révisionnisme » n’a pas sa place». Dorénavant, l’antisionisme est un élément primordial dans le négationnisme. La conférence Internationale de négationnistes en Iran en 2006 en est l’archétype, elle montre la fin de cette époque glorieuse. Son déclin et sa perte de légitimité sont complets dès lors que le négationnisme est assimilé à un Iran despotique. Maintenant, le phénomène est associé aux combats de l’Orient contre l’Occident, l’antisionisme devient son premier cheval de bataille au point que les principaux représentants décident de l’abandonner pour cette nouvelle cause politique.

Voilà, mes dernières réflexions sur le sujet, trop succinctement décrites ici. J’ai hâte d’avoir fini pour enfin publier ce livre : « C’est un excellent travail, m’a écrit un grand intellectuel franco-israélien après lecture des premiers chapitres. Et vous avez fait un extraordinaire effort de synthèse, en sorte que rien d’important dans la chronologie, les données, les inflexions thématiques n’a été perdu. C’est à ma connaissance la seule grande histoire du négationnisme, avec cette dimension d’histoire des idées et du temps présent qui fait défaut aux autres contributions, souvent locales ».

Un compliment qui va droit au cœur certes, mais fait surtout office d’encouragement  quand on songe combien il est difficile pour les chercheurs de faire reconnaître leur travail dans ce domaine. En ce qui me concerne, mon institut de recherche souhaite me garder comme chercheur associé mais n’a plus d’argent pour me payer (vive le monde de la recherche !) ; une bourse m’a été accordée mais uniquement pour la traduction du livre en anglais ; les éditeurs français contactés depuis deux mois m’ont informée que le sujet les intéresserait davantage si je parlais plus du négationnisme dans les pays arabes (bienvenus dans le monde de l’actualité débordante !).

Cette autre bataille, celle de la reconnaissance de mon travail, je veux la mener aussi de front parce que je crois que le négationnisme doit être connu dans toute sa gravité et son ampleur.

© 2011 Stephanie Courouble Share

 

     
Share