On rêve, un texte d’Esther Orner

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« On rêve »* , un texte d’Esther Orner

ON RÊVE

On ne rêve que repu.

Même si on a faim, on rêve.

Le rêve c’est le pain de l’âme.

Le pain serait le rêve du corps ?

 

Et la mère dit à son enfant qui n’est plus une enfant depuis longtemps on rêve par tous les temps et dans toutes les circonstances. La mère dit se souvenir mieux de ses rêves quand elle dort sous sa couette. Tout ça ne sont que spéculations. On rêve, c’est un fait.

On se souvient rarement de ses rêves, c’est aussi un fait. Puis certains rêves sont plus forts que le retour à la vie quotidienne. Ils vous intrigueront longtemps. Et on ne les oubliera jamais même sans les noter.

Et la mère rappela à son enfant qui n’est plus une enfant depuis longtemps le rêve que fit sa propre mère affamée prête à se laisser mourir. Elle n’allait même plus manger son crouton de pain. Les forces la quittaient et elle s’endormit sur cette planche qui servait de couche lorsque son enfant lui apparut dans son petit lit à barreaux et tendit les bras vers elle. Qu’elle revienne. Son enfant marchait depuis longtemps, allait déjà à l’école, mais c’est l’enfant tout petit qui lui apparut en rêve. L’enfant sans défense tout seul dans son petit lit. Et elle se ravisa. Elle mangerait son crouton, les épluchures de pommes de terre et ce qu’elle organisait pour faire des soupes car elle était la spécialiste des soupes vides.
L’enfant qui n’est plus un enfant depuis longtemps dit à sa mère c’est la première fois que tu me parles de ça. Non, non. Si, si. 

Tout cela fut dit à la suite d’une étude de la section de la semaine où il est question d’un rêve. D’ailleurs dans le livre on rêve beaucoup et certains rêves sont prémonitoires, voire prophétiques. 

La soirée d’avant il avait été question de rêves aussi. Une fin de semaine où les rêves furent évoqués et même analysés.

Oui « Le rêve est le pain de l’âme et le pain le rêve du corps » Cette phrase tirée d’un apologue cité par le maitre les laissa rêveuses.

La nuit qui suivit ces événements fut pour toutes les deux une nuit calme apparemment sans rêves.

Et la mère dit encore – la bénédiction que l’on dit au réveil – Sois loué Dieu de m’avoir rendu mon âme est révélatrice des risques nocturnes.
Parfois on s’assoupit et quand quelqu’un vous réveille, vous avez l’impression de sortir d’un coma comme si vous n’alliez plus jamais vous réveiller. Dormir est donc un risque et sans doute une des raison de la prise de médicaments pour pouvoir s’endormir et ne plus penser en rond.

Et la mère raconta que sa  grand-mère maternelle car elle n’a pas connu sa grand-mère paternelle, avait sous le lit un broc d’eau et à son réveil avant de descendre de son lit se lavait les mains et remerciait Dieu  – de lui avoir rendu son âme. Et l’enfant qui n’est plus une enfant depuis longtemps lui dit ça tu m’as souvent raconté. L’enfant se souvenait. La mère pas.

* Extrait de Une année entre parenthèses.

©Esther Orner

 

     
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