L’énigme Elsa Weiss, Michal Ben-Naftali

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Une note de lecture d’Esther Orner sur L’énigme Elsa Weiss de Michal Ben-Naftali, publié chez Actes Sud, traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech

J’ai lu le roman HaMorah de Michal Ben-Naftali en hébreu. Je ne l’ai pas encore lu en français. J’aime beaucoup la traduction du titre de La Prof ou de The Teacher, par L’Enigme Elsa Weiss car effectivement il s’agit de ça dans ce roman que l’on peut qualifier de biographie fictionnelle.

Dès la première page nous apprenons que le professeur de Michal Ben Naftali s’est suicidée, il y a trente ans.  La narratrice sait quelques bribes de la vie de sa prof d’anglais qui a compté pour elle et pour des  générations d’élèves d’un lycée à Tel Aviv.

Dés le début à la page 26 (en hébreu), la narratrice affirme – « Je sais exactement qu’elle est née en 1917, qu’elle a porté atteinte à sa vie en 1982, qu’elle a quitté ses parents au mois de juillet en 1944. Je sais qu’elle a traversé des continents et des mers. Je sais tout et rien. Tant pis, me dis-je et à partir d’ici tout est fiction. »

Et à partir de là se déroule l’histoire fascinante et captivante d’Elsa depuis son plus jeune âge, au caractère bien trempé, née en Hongrie, ses liens familiaux ses voyages, ses amours. Elle ne serait peut-être jamais venue s’installer en Eretz Israel, si ce n’était l’histoire avec « sa grande Hache ». Elle seule de sa famille sera sauvée par ce que l’on a nommé Le train de Kastner. Ceux qui ont vécu en Israel au moment du procès qui s’est terminé par l’assassinat de Kastner se souviennent très bien de cette triste et pénible affaire.

Ces quelques éléments seraient-ils la cause du suicide d’Elsa, de cette sexagénaire seule dans son monde ? Sait-on au juste pourquoi quelqu’un  porte atteinte à sa vie pendant que d’autres continuent à lutter au quotidien avec leurs souffrances et leurs souvenirs ? Elsa Weiss est morte dans une solitude totale tandis que d’autres comme elle qui ont fait partie du fameux convoi ou qui ont survécu les camps de concentration ont créé des familles, se sont réalisés tout en gardant leurs secrets les dévoilant parfois à leur descendance sur leur lit de mort ou jamais.

Michal Ben-Naftali explore la vie peu banale d’Elsa Weiss sans juger, sans effets, presque d’une manière clinique laissant le lecteur libre de tirer ses propres conclusions. 

Ce livre est une petite pierre posée sur la tombe d’Elsa Weiss qui par son suicide a sans doute voulu disparaître, toutefois elle continue son existence énigmatique dans ce livre qui a reçu le prestigieux prix Saphir en 2016.

©Esther Orner

     
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