Or noir contre étoile jaune

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Boryslav en 2006

Dans le cadre de mon billet de l’invité, j’accueille Jérôme Segal. En septembre 2011, j’ai fait un appel à traducteur pour mon ami Thierry Rozenblum Pour aider à retrouver les traces d’un psychanalyste juif. Jérôme Segal s’est proposé, a rencontré Thierry et après quelques échanges virtuels sur Facebook,  est venu me rendre visite au Palais des Thés à Tel Aviv.  Il m’a raconté le sujet du film documentaire sur lequel il travaille. C’est passionnant!

Juste avant la Première Guerre mondiale, la province de l’Empire austro-hongrois nommée ‘Galicie’, aujourd’hui partagée entre la Pologne et l’Ukraine, constituait la troisième région de production de pétrole au monde. La région autour de Boryslaw et Drohobycz était surnommée ‘Jewish Pensylvania’ car on estime qu’environ 60% de la population travaillant dans les puits de pétrole était juive.

 

Synagogue de Drohobycz en 2006

Dans le cadre d’un projet de film documentaire sur l’influence du pétrole de Galicie sur le destin de familles juives, j’ai conduit une quinzaine d’entretiens dans la première semaine de janvier 2012, notamment avec huit personnes âgées de 70 à 98 ans, qui sont nées là-bas. A cette occasion, j’ai découvert l’association des anciens de Drohobycz-Boryslav, qui ne cesse de prendre de l’importance. Aujourd’hui celle-ci compte près de 350 membres, dont une soixantaine de personnes de la première génération. La présidente, Daniela Mavor, est, elle, de la deuxième génération, alors que je suis moi de la troisième génération puisque c’est mon grand-père qui est né à Drohobycz en 1911.

Enfants de la famille Segal à Drohobycz

Pour beaucoup de familles, le pétrole a permis d’acquérir un capital économique qui a été reconverti pour gagner en mobilité. Avec les pogroms qui ont accompagné l’arrivée des soldats russes, pendant la Première guerre mondiale, de nombreuses familles sont parties se réfugier à Vienne, comme mon arrière-grand-père et ses enfants. Certaines sont retournées en Galicie vers 1920, le pétrole représentant une forme d’attrait maléfique. Au cours des entretiens, j’ai pu mesurer quels destins extraordinaires – mais aussi excessivement douloureux – ont été subis par les familles restées en Galicie pendant la Seconde guerre mondiale. La région fut occupée par les Soviétiques puis par les Allemands, avec un cortège de persécutions et d’horreurs. Aujourd’hui, des anciens parlent pour la première fois et leurs enfants les écoutent. Les langues se délient, le temps est venu. Si parmi les lecteurs de ce blog, certains veulent en savoir plus, ils peuvent me contacter (segal@ens.fr) ou lire l’article ci-dessous.

©Jérôme Segal

« L’or noir contre l’étoile jaune, mobilités particulières des Juifs de Galicie ayant investi dans le pétrole », in La Galicie au temps des Habsbourg (1772-1918) Histoire, société, cultures en contact, sous la direction de Jacques Le Rider et Heinz Raschel, Presses Universitaires François Rabelais, 2010, pp. 297-311 (PDF)

     
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