Dialogue entre les rabbins Delphine Horvilleur et Eliezer Melamed

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Je reprends ici, avec sa permission, le statut de Gabriel Abensour concernant la rencontre entre deux rabbins bien différents. Gabriel Abensour est l’un des créateurs du centre d’études Ta-Shema à Jérusalem.
Il y a quelques jours le Rav Eliezer Melamed, rabbin orthodoxe israélien, et le Rabbin Delphine Horvilleur, du mouvement juif libéral de France, ont publiquement échangé ensemble sur le judaïsme, le peuple juif et les rapports entre Israël et la Diaspora, lors du colloque sur la diaspora organisé par le journal Makor Rishon.
Je dois faire partie des rares personnes à connaître leurs œuvres respectives et à avoir le plaisir d’apprécier ces deux figures pourtant si différentes depuis plusieurs années. L’un est un rabbin strictement orthodoxe, très engagé à droite en Israël, et auteur d’une série de livres fantastique d’érudition et de clarté sur la Halakha, les « Peninei Halakha » (dont quelques volumes sont déjà traduits en français). L’autre est rabbin libéral, intellectuelle publique française, dont l’écho et les livres portent bien au-delà du monde juif.
Sans surprise, cet échange en dérange plus d’un. Du côté orthodoxe, on reproche au Rav Melamed de « légitimer » le judaïsme libéral et je suis certain que du côté libéral, parler avec un rabbin qui a eu plus d’une fois des déclarations politiques extrêmes est loin d’être simple.
Nous vivons dans un monde de plus en plus puriste, où le délit suprême est idéologique – celui d’avoir un autre set de valeurs que le mien. Nos rapports humains imitent les algorithmes facebookiens, nous poussant à ne lire que ceux qui pensent comme il se doit, à vivre dans un entre-soi confortable, à relire l’histoire à la lueur de nos valeurs présentes pour en expurger tout ce qui pourrait laisser croire que mes valeurs actuelles n’étaient pas forcément les seules légitimes depuis l’avènement du monde.
Le monde juif n’est pas à part et les rabbins ont souvent une belle part de responsabilité. Tout en prêchant la « ahavat israël », combien sommes nous à exclure d’autres juives et juifs pour délit idéologique ? Pour le crime de ne pas partager leur vision du judaïsme, d’avoir une autre identité de genre ou d’appartenir à un autre camp politique ?
Quand j’écoute les rabbins Melamed et Horvilleur parler l’un à l’autre, pour construire et non pas pour dominer, pour consolider les liens et non pas pour délier les cœurs, je me dis que le peuple juif a bien besoin d’eux.
Parce qu’en réalité, l’un n’est pas (qu’)un rabbin orthodoxe et l’autre n’est pas qu'(une) rabbin libéral. Les deux portent une voix rabbinique aux racines bien plus profondes que les divisions idéologiques européennes du 19e siècle, les deux ont pour souci l’unité du peuple juif et les deux, pourtant si différents, contribuent à cette union par leurs êtres et leurs œuvres. Merci à eux.
©Gabriel Abensour
Le débat avec des sous-titres en français :

     
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