Où est Elle Kari et qu’est devenue Noriko-San ?

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Nous retrouvons la chronique cinéma  israélien de Brigitte C.

Noriko San
Où est Elle Kari et qu’est devenue Noriko-San ? 50 minutes
?איפה אלה קרי ומה קרה לנוריקו סאן

Un film documentaire de Dvorit Shargal – 2014.

Est-ce que ce prénom Noriko-San vous fait comme à moi, revenir instantanément à la mémoire, la magie de ces livres pour enfants illustrés de photos noir et blanc, qu’on me lisait en français dans mon enfance et que j’ai lu, en hébreu cette fois, à mes enfants qui à leur tour les liront à leurs enfants ? Même si l’actuelle Noriko-San la petite japonaise d’aujourd’hui vit sans doute dans un gratte-ciel et pas dans une maison traditionnelle ? Et qu’Elle Kari ne garde plus les troupeaux de rennes là-haut dans le Grand Nord ?

C’est un voyage planétaire et un voyage dans le temps que nous fait vivre à travers son périple l’auteure du film, Dvorit Shargal. Une capsule spatio-temporelle où on saute d’il y a un demi-siècle à aujourd’hui et retour, à grandes enjambées de Tel-Aviv à la Suède, en passant par la Laponie et la Hollande par un détour au kibbutz Revivim dans le désert pour atterrir au Japon, et où les adultes retrouvent leur enfance à travers des photos vieilles d’un demi-siècle, au temps où la Terre n’était pas un grand village uniformisé.

Un jour Dvorit Shargal a voulu savoir qu’étaient devenues ses amies de papier photo. Le film raconte son enquête longue de 7 ans et ses retrouvailles improbables mais vraies avec Elle Kari et Noriko San.

Quant à moi, pour n’ avoir jamais oublié la petite Japonaise et la petite Laponne, j’ai couru voir son film qui nous dit que parfois le passé reste vivant.

Elle Kari et Noriko-San font partie d’une série de 17 livres pour enfants appelée ‘Enfants du monde’ et traduits en 18 langues. Noriko San est paru en 1956. Les photographies ont été prises par une photographe suédoise d’origine juive, Anna Rivkin-Brik, et le texte de 9 des livres parmi les 17 ont été rédigés par la grande écrivain suédoise Astrid Lindgren, l’auteur de ‘Fifi brin d’acier’ que beaucoup d’entre nous connaissent. Anna Rivkin a parcouru le monde avec un appareil photo et a photographié des enfants d’Ethiopie, du Cachemire, d’ Hawaï et bien d’autres. Ses livres ont été traduits en hébreu par la poétesse israélienne Léa Goldberg. Anna Rivkin est enterrée au cimetière de Holon. Elle avait de l’audace, un grand sourire et le talent de parler aux enfants.

Mais mon histoire ne s’arrête pas là. Car ces livres qu’on m’a lus dans ma jeunesse n’ont pas été écrits ni photographiés par Anna Rivkin-Brik ni écrits par Astrid Lindgren et encore moins traduits par Léa Goldberg. Ils
ont été écrits par Dominique Darbois, née Stern, morte en 2014. Juive elle aussi, résistante, elle est après la guerre devenue photographe, a parcouru le monde, photographié des enfants en Chine, à Cuba, en Amérique du Sud, et signera 20 livres dans la collection « Enfants du monde » chez Fernand Nathan. Chez elle, Elle Kari s’appelle Anouchka et Noriko s’appelle… Noriko, paru en 1961, qui était le prénom le plus courant à l’époque, l’équivalent de « Martine ».

Dvorit Shargal est une comme elle le dit d’elle-même une ex-journaliste et une blogueuse actuelle. Son blog, Velvet Underground, a pour mission la critique des média. Est-ce parce qu’elle n’a pas eu d’enfants, ainsi que Léa Goldberg et Anna Rivkin-Brik se demande Dvorit Shargal dans son film, qu’elle a continué à chérir Elle Kari et Noriko ?

En août 2014, alors que j’attendais impatiemment la sortie de son film annoncée dans la presse, j’ai cherché à Paris Noriko-San, version Dominique Darbois. Contre la promesse de me le retrouver, j’ai laissé mon numéro de téléphone à un charmant libraire, car ces livres sont épuisés. Cette Noriko San n’a pour l’instant pas refait surface mais je ne désespère pas de la revoir.

Mise à jour du 23 janvier 2015 :

J’étais sortie de la salle de cinéma, enchantée mais perplexe, et plus encore troublée par la certitude que la photographie de la petite Noriko San sur la couverture du livre que j’avais lu en français était identique à celle du livre en hébreu que j’avais lu à mes enfants, bien que les photographes et les auteurs ne soient pas les mêmes. J’ai donc écrit un mail à Dvorit Shargal :  Chère Dvorit,  j’ai beaucoup aimé votre film.  Cependant une chose m’intrigue : savez-vous qu’une certaine Dominique Darbois etc….  Comment deux livres identiques ont pu être écrits et photographiés par des personnes différentes. Ne trouvez-vous pas la « coïncidence » extrêmement troublante, pour ne pas dire plus ?

Trois minutes plus tard, réponse de Dvorit Shargal :  Hey Brigitte. En effet, au cours de mon enquête pour mon film, j’ai virtuellement rencontré Dominique Darbois. Comme tu l’écris, elle a aussi écrit et photographié une série de livres ‘Enfants du monde’ mais sa Noriko est parue en 1961 alors que la Noriko d’Anna Rivkin Brik est parue en 1956, ce qui prouve bien qu’elle fut la pionnière. Ces séries étaient en vogue à l’époque. Quant à la Noriko de Dominique Darbois, tu ne crois pas si bien dire, elle a été traduite en hébreu.

Voici donc l’énigme résolue : il y a deux Noriko San, je les ai confondues, il faut se méfier de ses souvenirs et de ses certitudes, et le mystère n’en est pas un.  Que la vie nous réserve plein de facéties de ce genre, face à l’adversité sombre et cruelle du prochain film dont je vous parlerai : ‘Tu es ma nuit’.

 

     
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