Agnon, un écrivain inestimable!

Share

décembre 2007

Le 10 décembre 1966, le grand écrivain israélien Yosef Czaczkes dit Agnon (1887-1970) recevait le Prix Nobel de littérature Shmuel (partagé avec la poétesse Nelly Sachs).

En préparant cette rubrique, je me suis souvenue qu’Agnon figurait sur les billets de 50 shekels. Les billets de 20 shekels ayant pour effigie Moshe Sharett, le second Premier ministre de l’Etat d’Israël et ceux de 100 shekels celle d’Itzhak Ben-Zvi, second Président de l’Etat d’Israël.

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/23/50_NIS_Bill_Obverse_&_Reverse.jpg/120px-50_NIS_Bill_Obverse_&_Reverse.jpg

Agnon, quant à lui n’est pas le second écrivain d’Israël mais bien l’Ecrivain d’Israël par excellence. Deux fois lauréat du Prix Bialik et deux fois du Prix Israël, son influence a été immense tant sur les lecteurs que sur les écrivains israéliens. A tel point qu’on le retrouve dans Une Histoire d’amour et de ténèbres quand Amos Oz raconte sa rencontre avec lui alors qu’il était enfant et dans la Mariée libérée de A.B. Yehoshua où la maison d’Agnon dans le quartier de Talpiot à Jérusalem prend part à l’intrigue. Une anecdote à propos de cette maison, Agnon s’étant plaint du bruit dans la rue où il habitait, la rue passa à un seul sens et devant sa maison la police installa un panneau avec les mots : Silence ! Ecrivain au travail ! Mais revenons à notre billet de 50 shekels car il illustre en condensé bien des aspects de la personnalité d’Agnon. Au recto figure un portrait de l’écrivain, concentré, réfléchissant, la main sur le front, probablement en train de relire l’un de ses textes. La production littéraire d’Agnon a été phénoménale et aussi d’ailleurs, la production sur Agnon, l’écrivain le plus commenté d’Israël. Ce qui frappe sur cette représentation, c’est la kipa. Agnon a su allier sa foi et son art. Etre religieux et artiste. Juif orthodoxe et peintre des passions de l’âme humaine. Attentif aux difficultés rencontrées par une sagesse traditionnelle confrontée aux changements. Familier des textes de la tradition juive et influencé par la littérature européenne des XIXe et XXe siècles. Peintre de la vie des shtetls autour de Buczacz en Galicie où il est né le 8 août 1887 et de la vie à Jérusalem où il s’éteindra en 1970. Il évolue d’un monde à l’autre, passant de sa Pologne natale au renouveau de la vie juive en Eretz-Israël. Au recto toujours, la bibliothèque avec des livres serrés sur des étagères montant jusqu’au plafond. Un motif essentiel de sa vie pour son amour des livres bien sûr mais aussi parce que ses bibliothèques ont, par trois fois, brûlé, en écho aux bûchers de son époque. Une première fois pendant la Première guerre mondiale, dans la maison de son père où il avait laissé ses manuscrits d’enfant. Une seconde fois lors de son séjour en Allemagne en 1924 où ses manuscrits et ses livres ont été détruits et une troisième fois à Jérusalem lors des émeutes arabes de 1929. Les livres brûlés, les bibliothèques anéanties sont des thèmes récurrents dans son œuvre. Toujours sur la même face de notre billet de cinquante shekels, un extrait du discours qu’il a prononcé en hébreu à Stockholm lors de la remise du Prix Nobel. En voici la traduction : Par la catastrophe historique où Titus roi de Rome dévasta Jérusalem et exila Israël de son pays, moi je suis né dans l’une des villes de l’Exil. Mais toujours je me suis senti comme quelqu’un né à Jérusalem. Dans un rêve, dans une vision nocturne, je me suis vu debout avec mes frères les Lévites au Temple chantant avec eux les cantiques de David, roi d’Israël. Des mélodies qu’aucune oreille n’a écoutées depuis que notre ville fut dévastée et que son peuple partit en exil. Je suspecte que les anges responsables du chant effrayés de me voir chanter éveillé ce que j’avais chanté en rêve m’ont fait oublier le jour ce que j’avais chanté la nuit. Car si mes frères, les fils de mon peuple avaient entendu ce chant, ils n’auraient pu supporter leur peine sur leur bonheur perdu. Pour me consoler de m’avoir ôté ce chant de ma bouche, ils m’ont fait le don de composer des chants en écrivant.  »

Au verso du billet, son cahier, ses lunettes et son stylo sont représentés avec en image de fond Jérusalem et le mont du Temple ainsi que la liste de ses principaux ouvrages, je ne citerai que certains de ceux qui ont été traduits en français : Le chien Balak, Une histoire toute simple, A la fleur de l’âge, Les Contes de Jérusalem, La dot des fiancées. Pour lire des extraits d’Agnon Agnon a su faire briller toutes les richesses de la langue hébraïque, l’hébreu de la Bible, l’hébreu de la Mishna et du Talmud, l’hébreu de Rashi, des poètes juifs du Moyen-âge et de Maïmonide et l’hébreu de son époque, l’hébreu d’Eliezer Ben-Yehuda, l’hébreu de la modernité. Le 10 décembre 1966, Agnon recevait le Prix Nobel de littérature et avec lui c’était un jeune Etat, tout un pays et une langue retrouvée qui recevaient une reconnaissance internationale. Je ne peux maintenant que vous conseillez d’utiliser un billet de 50 shekels ou d’une autre monnaie pour acheter des livres d’Agnon et surtout de le lire !

prix-nobel-agnon

Share

One Comment

  1. Mes 10 livres israéliens préférés de la décennie « Kef Israel | Vivre Israël au quotidien: connaître, vivre et aimer Israël comme si vous y étiez
    Déc 29, 2009 @ 12:45:49

    […] Agnon, un écrivain inestimable! […]

Leave a Reply

*