Henri Raczymow, Ulysse ou Colomb, Notes sur l’amour de la littérature

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Une note de lecture d’Esther Orner sur « Ulysse ou Colomb, Notes sur l’amour de la littérature » d’Henri Raczymow aux Editions du Canoë.

Henri Raczymow nous offre ce petit livre d’une centaine de pages après avoir écrit une vingtaine de romans et d’essais. Les nombreuses questions qu’il pose sur la littérature, la nécessité ou pas d’écrire, il les a posées tout le long de son parcours d’écrivain. S’il consacre un livre pour approfondir son questionnement, c’est sans doute pour nous dire que, malgré toutes les difficultés, ce qui prime et primera toujours pour lui c’est son amour de la littérature et qu’elle subsistera malgré tout.

Quatorze chapitres qui ne sont pas numérotés s’ouvrent sur des citations qui ont toutes un lien avec la suite. Ainsi le premier chapitre s’ouvre sur une chanson de Guy Béart qui se termine par Il n’y a plus d’autrefois et le premier passage enchaine : Telle est la vertu (et le danger) des commencements : on ne sait où l’on va. C’est en quoi, au fond, j’ai grand tort de me prendre pour Dieu, car Dieu omniprésent par définition, savait à l’avance quel serait le sort futur du monde et de l’humanité, bien que parfois j’en doute fort. Henri Raczymow conclut qu’il (D.) s’est même accordé la gratification d’un jour de shabbat, à la fin pour se reposer, selon lui d’avoir si bien oeuvré.

Quant à moi j’ai toujours su que Dieu avait créé sept mondes et les avait tous détruit pour en arriver à celui-ci. Et qu’il y eut d’autres tentatives comme au temps de Noé. Même Dieu dût se faire à l’idée que le monde et l’homme n’étaient pas parfaits. Et si je continue la pensée de Henri Raczymow, l’écrivain non plus. Il écrira malgré tout car c’est plus fort que lui.

Nous sommes bien loin de l’époque où l’on pouvait découvrir des auteurs inconnus. en allant d’une librairie à l’autre : Vous y verrez sur les tables les derniers romans dont « on parle ». et plein d’autres qui ne vous diront rien. Pourquoi les acheter, puisque on ne vous en a pas parlé ? Ils vont disparaître  (…)  Je parle bien d’un tri. Il y eut jadis  le tri opéré par le temps et l’histoire. Il y a maintenant de façon contemporaine (synchronique), un tri bien plus arbitraire, opéré par…par quoi ? Par l’économie.

On pourrait croire que Henri Raczymow est pessimiste, et bien non, il imagine l’année 2119 : un insomniaque découvre au cours de la rediffusion d’une émission le nom d’un écrivain fin du XXe siècle. Il googelise et apprend que l’on trouve ses livres à prix très bas, c’est mieux que rien.   J’écris pour cet insomniaque que je ne connaitrai jamais. C’est la seule postérité dont je puisse rêver avec quelque vraisemblance. Je dis bien : dont je puisse rêver.  

L’humour qui définit Henri Raczymow n’est bien sûr pas absent et il cite entre autres Isaac Bashevis Singer qui finit par répondre à un des journalistes après avoir été harcelé de questions sur le bonheur d’avoir obtenu Le Nobel qui reste le rêve de gloire de tout écrivain. Combien de temps un homme peut-il être surpris ? Combien de temps un homme peut-il être heureux ? J’ai été surpris, j’ai été heureux. Et je suis le même schlemihl qu’auparavant.  (Mot yiddish : homme qui n’a pas de chance, capable de se casser le nez en tombant sur le dos – note de l’auteur) 

Camus disait de Kafka que tout son art résidait à nous obliger de le relire. J’ai eu cette impression quand j’ai terminé une première lecture de ce petit livre. Je suis consciente que je n’ai signalé que quelques réflexions qui, j’espère, inciteront le lecteur à aller plus profondément dans l’univers riche et passionnant d’Henri Raczymow.

©Esther Orner

     
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