Terreur et peur. Sens et non-sens, un article d’Evelyne Guzy

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Dans le cadre de mon Billet de l’Invité(e), voici un article d’Evelyne Guzy, auteure et consultante en communications : Terreur et peur. Sens et non-sens.

Je-suis-Charlie

Un nouveau cap a-t-il été franchi dans la terreur ? Le 11 janvier 2015, des centaines de milliers de personnes ont défilé sous la bannière « Je suis Charlie ». L’assassinat ciblé des caricaturistes a provoqué une émotion d’une autre nature que des meurtres aveugles qui l’ont précédé, par exemple au Musée juif. La peur suscitée s’est révélée proche de la panique. Comment expliquer cette différence ? Comme vous, j’ai vécu intensément ces événements. Dans un premier temps, je témoignerai de la façon dont ils ont affecté mon quotidien. Je tenterai ensuite de décrypter, sur base des précédentes analyses que j’ai livrées, les mutations du phénomène terroriste auxquelles nous assistons et les conséquences – durables ou non – qu’elles ont sur nos émotions. Une telle entreprise exige un certain développement. Je vous invite à prendre le temps de la lecture…

En 1942, comme tous les enfants juifs, mes parents furent interdits d’école par l’autorité occupante. Je sais qu’une telle discrimination marque à jamais. Aujourd’hui, les dirigeants de mon pays, la Belgique, se sont mobilisés pour que des enfants réintègrent leur établissement, une école juive, fermée le 16 janvier 2015 pour des raisons de sécurité. J’ai vécu cet événement comme un signal, sinon une alerte.

Le pays était en émoi : La veille, les autorités venaient de mettre la main sur une cellule jihadiste à Verviers. La police était visée et dès lors en charge de se protéger elle-même. Après le meurtre des caricaturistes et membres du personnel de Charlie Hebdo (12 victimes), la mort de deux policiers français et l’attentat contre l’Hyper Casher à Paris (4 morts), la possibilité d’un nouvel acte de terreur créa une panique que n’ont pas connue les rues de Bruxelles au moment de la tuerie du Musée juif, en mai dernier (4 morts). C’est qu’entre-temps, des centaines de milliers de Français et de Belges s’étaient réunis d’un même élan pour soutenir la liberté d’expression. Tous – comme moi – se reconnaissaient dans la formule « Je suis Charlie ». Un slogan judicieux qui parvint à faire marcher ensemble des hommes porteurs de conceptions parfois très contrastées de la démocratie. Je reviendrai sur ce premier paradoxe, afin de poser les jalons d’une réflexion plus générale sur la terreur : un assassinat ciblé de personnes visées pour ce qu’elles font (des caricatures) a provoqué plus de peur qu’un acte terroriste ayant pour cibles des personnes désignées pour ce qu’elles sont (juives).

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