Mon fils, un film d’Eran Ricklis d’après un scénario de Sayed Kashua

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Retrouvons la chronique Cinéma israélien de Brigitte C. qui nous recommande Mon fils – une identité empruntée * sorti en 2014 – 105 minutes
Metteur en scène : Eran Riklis
Scénariste : Sayed  Kashua

arabs

 

Iyad, quinze ans, est un arabe israélien.  Elève brillant, il reçoit une bourse d’études et, encouragé par ses parents, il quitte Tira, sa ville, et part étudier dans un internat pour surdoués à Jérusalem. Là, il doit affronter tout ce qui le sépare des autres et exprime son origine : son nom que les autres écorchent, son accent, sa façon de s’habiller,  la musique que les autres adolescents écoutent et qu’il ne connaît pas, et qui le renvoient à sa différence. Au début,  Il est l’étranger, qu’on ignore.  Comme s’il n’existait pas. Car ce qui le sépare des autres est épineux, pour les deux côtés. Les week-ends,  il retrouve sa famille, sa mère aimante et complice, sa grand-mère traditionaliste aux imprécations continues contre les Juifs qui lui ont pris son pays et son père que son passé de militant communiste a conduit dans sa jeunesse à un emprisonnement prolongé,  pour avoir été soupçonné de participer à une action terroriste. Petit à petit, pour trouver sa place, il se fond dans son nouvel environnement : efface son accent, s’habille comme les autres, et pendant les cours d’Histoire répète sans contester la version israélienne du conflit israélo-palestinien. La glace fond. Il tombe amoureux et est aimé en retour par une interne, juive.  Il devient comme le second fils pour la mère d’un adolescent handicapé dont il fait la connaissance et qui devient son ami. Mais quoi qu’il fasse, il reste l’Autre, l’Arabe. A l’extérieur où il est confronté au racisme comme dans ses relations intimes, où rien ne va jamais de soi. Dans la vie qu’il se façonne, il poussera très loin le désir de jouer  à troquer son identité arabe qui l’embarrasse pour une identité juive qui lui facilite la vie mais le fait vivre dans le mensonge. Jusqu’à la fin du film qui condense dans sa chute une dimension humaine tragique et apaisante à la fois.

 Divisé en trois parties – l’enfance d’Iyad, ses années à l’internat, le début de l’âge adulte –  le film est un miroir tendu aux Israéliens, juifs et arabes. L’histoire d’un jeune homme qui mène le combat  pour trouver sa juste place. Malgré un humour décapant plein d’autodérision, sans excès, et c’est bien suffisant comme ça,  à travers plusieurs  scènes marquantes, ‘Mon fils’ est un film au constat désespéré.

Le scénariste Sayed Kashua est un citoyen arabe israélien. Le scénario, en partie basé sur son expérience personnelle, est tiré de deux de ses livres, ‘Les Arabes dansent aussi’ et ‘La deuxième personne’, écrits en hébreu et traduits en français. Il est le scénariste d’une très célèbre série télévisée israélienne humoristique ‘Travail Arabe’ et tient une chronique hebdomadaire dans le journal  ‘Haaretz’ où il écrit sur un mode généralement comique les tribulations d’un arabe israélien à Jérusalem qui parie pour la cohabitation. Ces derniers temps Sayed Kashua n’arrive plus à rire.  Il est pour l’instant aux USA où il enseigne dans une université de l’Illinois.

Eran Riklis est un metteur en scène expérimenté. Plusieurs de ses films ont pour sujet des questions d’identité et d’appartenance :  ‘La mariée syrienne’, ‘Le citronnier’.

 Allez voir ce film, il est à mettre devant tous les yeux.

 NB – à propos du titre.  Pourquoi ce titre ‘Les Arabes dansent aussi’ ? titre à double sens qu’on comprend en voyant le film. Quant à ‘identité empruntée’, c’est un ajout au titre original. Présenté au festival du cinéma de Jérusalem en juillet 2014, le film aurait dû sortir sur les écrans au moment de l’opération militaire ‘Rocher de fer’ qui eut lieu l’été dernier. Craignant qu’il soit mal accueilli, les distributeurs ont repoussé sa projection jusqu’en décembre et ont ajouté  au titre, pour les mêmes raisons, les mots ‘identité empruntée’.

     
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