Maya Béjerano, Poème d’enfance
La poétesse israélienne Maya Bejerano vient de recevoir le prestigieux prix Yehuda Amichai pour son oeuvre poétique. Maya Béjerano est née en 1949 au Kiboutz Elon, vit actuellement à Tel Aviv. Après avoir partagé sa vie entre son travail de bibliothécaire à Beth Ariela à Tel Aviv et entre la poésie, elle se consacre aujourd’hui entièrement à l’écriture. Elle a publié une douzaine de livres de poésie, deux livres de nouvelles et son premier roman vient de sortir. Elle a participé à de nombreux festivals en Israël et à l’étranger et obtenu de nombreux prix dont le fameux prix Bialik pour l’ensemble de son oeuvre en 2002.
Esther Orner a traduit son recueil אנסה לגעת בטבור בטני, שירים 1992-1997, הוצאת הקיבוץ המאוחד, 1998, Poèmes d’enfance, encore inédits en français.
POÈME D’ENFANCE, MAYA BEJERANO
Traduction : Esther Orner
Publié en 1997 by Hakibbutz Hameuchad
1
Par l’image ou le son j’essaierai de toucher à mon nombril j’ai neuf ans
à la chaleur du soleil appuyer légèrement écouter le clapotis de l’eau dans la cuvette en tôle
et dans la cour ses parois réchauffées.
Vraiment je souriais alors et ne pensais qu’à moi,
au grenadier et ses coupures délicieuses d’ombre et de lumière
qui inscrivent en moi les commencements de l’histoire de mon enfance.
Quelle histoire, toute une histoire eau et lumière j’ai mangé
les matins d’un été jaffaien chemisette blanche
culotte, elle aussi, en coton jetées de côté
dans le jardin sur le sol de ciment devant l’évier et son vieux robinet
des concombres et une tartine à la margarine, du sucre et du lait
et dedans déjà tout se mélange et dans l’oreille le cliquetis des gogoims*
et les billes du jeu d’hier
et de côté sept pierres attendent le petit robinet et son évier
comme les enfants du quartier qui m’attendaient car à moi la corde et le ballon.
Au pied de l’évier, le chat se pourlèche
j’ai aperçu son regard effrayé tourné vers le bord du haut mur de briques au dessus de nous
et entre les branches du grenadier, le fils du voisin débraillé
un instant figé s’enfuit parmi les gendarmes et les voleurs
et le soleil au zénith
un héros, genre Samson, m’a vu. Des fils d’or froissés
s’enroulent autour de mon nombril et l’eau dans mes longs cheveux stagne, alourdie
et mon menton émerge de l’eau fascinante.
Pain de glace pain de glace j’ai bien entendu mais
je n’y arriverai pas les enfants me devanceront
la charrette ne m’attendra pas une autrefois, alors;
brisures de glace jetées par dessus le mur
fondent dans la baignoire entre mes doigts et ma grand mère et son panier en D.M.C
solide, elle court acheter un grand pain de glace
elle est encore forte et en bonne santé, elle a réussi
la glacière froide froide au bout du couloir et de l’autre côté
les deux filles Berty et leur grande soeur Levanika.
“Wallah, elle a deux yeux , deux amandes en chocolat et si tu
regardes deux fois, elle est Julie et moi Joël, elle est Roumia et moi Romi…”
Qui est Joël et qui est Roumia ?
La chanson de la radio géante résonne dans notre jardin
ainsi que la radio des voisins, elle ne s’adresse pas forcément à moi
serais-je un jour Roumia ? Serais-je Julie ?
on m’appelait fleurs d’Ida et un peu plus tard
Annette Rivière, et puis Tatiana et encore Tinker Bell et Alice.
Alice au pays des sons
et puis Alice sera dans la mouise.
Lire aussi : En bleu, en poésie et en musique
Paul
Sep 01, 2016 @ 12:07:38
Réjouissant, festif, plaisir de goutter les fruits, poème ensoleillé.
Merci,
Paul