Poème en partage: L’avenue de Yaël Globerman
Yaël Globerman est une poétesse israélienne que j’ai découvert grâce à Esther Orner et son anthologie « Chacune a un nom » édité aux Éditions Caractères. Ce poème avait aussi été repris dans le Continuum n°6 consacré à Tel Aviv. Il m’émeut particulièrement.
L ‘AVENUE
Dans l’avenue du Roi David de vieux partisans
s’étalent sur des bancs comme des bougies tordues
ils s’éteignent dans les bras de jeunes philippines
leur racontant en polonais des choses
que de toute leur vie ils n’ont pas raconté à leurs enfants.
A deux pas d’ici, mon père
se tait chez lui parmi les photos de ma mère.
Son silence s’épaissit comme le verre d’une bouteille
que le temps a bouché. Si elle se brise, il se brisera avec elle
d’ici dix ans un tramway passera par là
des rails de fer se reposeront le long de l’avenue
comme une rangée de déambulateurs renversés sur la nouvelle pelouse.
Je marche sur une ligne brisée
Cracovie Tel Aviv Manille.
Quelque chose de plus fort que la nostalgie s’accroche à moi, guide mes pas
vers un banc de bois comme une navette spatiale :
un vieux monsieur parle, une jolie femme tout près.
Je viens je m’assois entre eux comme une enfant.
Il raconte, elle lève les yeux vers moi,
je comprends ses paroles à lui.
Je peux sentir ses cheveux à elle.
Les distances qu’auparavant je rêvais de traverser
font maintenant partie de l’absolu.
Trois étrangers sont assis sur un banc
comme dans une station. L’avenue galope devant nos yeux
s’en va, comme nous, sans bouger.
©Yaël Globerman
Traduction: Esther Orner
benchimol alice
Déc 12, 2011 @ 01:40:32
cette poésie comme tant d’autres dit des choses au delà du dit, en si peu de mots, si bien dits, elle pénètre le fond des choses et rebondit vers l’infini! merci pour cette traversée d’une avenue à Tel Aviv.
brigitte dusch
Fév 13, 2012 @ 15:21:53
Je ne connaissais pas et découvre ces mots qui dansent sous mes yeux et qui résonnent, ils méritent d’être lus, entendus, non seulement avec nos oreilles et nos yeux mais avec notre âme et notre coeur, merci pour cette merveilleuse découverte.