Mes années moyenâgeuses, un poème de Rita Kogan traduit de l’hébreu
Dans le cadre de la rubrique Poème en partage, Esther Orner et moi avons traduit un deuxième poème de Rita Kogan issu de son recueil מחלה יבשה, Mal de terre.
Rita Kogan est née en Russie en 1976 et a immigré en Israël avec sa mère à l’âge de 14 ans.
Mes années moyenâgeuses
Miettes de l’étrangère que je suis,
oh les miettes de l’étrangère que je suis !
Je les ai glanées
dans les rues de Paris,
et je n’ai pas assez,
je n’en ai pas assez.
Miettes de l’étrangère que je suis,
oh les miettes de l’étrangère que je suis !
Un vieil homme les disperse
par poignées par poignées tremblantes
dans le petit jardin qui entoure
le musée du Moyen-Age,
déserté et fermé
pour cause de rénovations,
et je n’ai pas assez.
Je n’en ai pas assez
des pigeons qui vont et viennent,
de leurs fientes, violets,
qui se consument aux sons de la faim, de la séduction,
et du son de leurs gémissements, de celui de la Moldavie,
et l’enfance aux genoux meurtris,
et l’odeur des fruits pourrissants
sur les étals des marchés.
Vers où emporter les miettes de l’étrangère que je suis,
mes lèvres crevassées par la sécheresse du fleuve
mon nez coule-t-il de l’agression d’un printemps fou ?
Vers où emporter
mes années moyenâgeuses ?
©Rita Kogan
Traduit de l’hébreu par Esther Orner et Rachel Samoul
שנות הביניים שלי
,פֵּרוּרֵי הַזָּרוּת שֶׁלִּי
!הוֹ פֵּרוּרֵי הַזָּרוּת שֶׁלִּי
לִקַּטְתִּי מֵהֶם
,בִּרְחוֹבוֹת פָּרִיז
,וְאֵין לִי דַּי
.אֵין לִי דַּי מֵהֶם
,פֵּרוּרֵי הַזָּרוּת שֶׁלִּי
!הוֹ פֵּרוּרֵי הַזָּרוּת שֶׁלִּי
אִישׁ זָקֵן מְפַזֵּר מֵהֶם
חֳפָנִים־חֳפָנִים רוֹעֲדִים
בַּגִּנָּה הַקְּטַנָּה, הַמַּקִּיפָה
,אֶת הַמּוּזֵאוֹן לִימֵי הַבֵּינַיִם
הָעוֹמֵד שׁוֹמֵם וְסָגוּר
,לְרֶגֶל שִׁפּוּצִים
.וְאֵין לִי דַּי
אֵין לִי דַּי
,מֵהַיּוֹנִים הַמִּטַּלְטְלוֹת
,הַדְּשֵׁנוֹת, הַסְּגֻלּוֹת
,הַיּוֹקְדוֹת בְּקוֹלוֹת שֶׁל רָעָב וְחִזּוּר
,וְקוֹל הֶמְיָתָן הוּא קוֹל מוֹלְדוֹבָה
,וְיַלְדוּת חֲבוּלַת בִּרְכַּיִם
וְרֵיחַ פֵּרוֹת נִרְקָבִים
.עַל קַרְשֵׁי הַשּׁוּק
,לְאָן אֶקַּח אֶת פֵּרוּרֵי הַזָּרוּת שֶׁלִּי
,אֶת שְׂפָתַי הַסְּדוּקוֹת מִיּבֶֹשׁ הַנָּהָר
?אֶת אַפִּי הַדּוֹלֵף בְּהֶתְקֵף שֶׁל אָבִיב מְשֻׁגָּע
לְאָן אֶקַּח
?אֶת שְׁנוֹת הַבֵּינַיִם שֶׁלִּי
ריטה קוגן©
Lire aussi : 5. Carrefour Azrieli, croisement de routes, un poème de Rita Kogan
#Poèmes pour Yehoram [des gens, qui reviennent de la mer]