Helena Rubinstein, La femme qui inventa la beauté

Esther Orner nous propose une chronique sur Helena Rubinstein, La femme qui inventa la beauté, Michelle Fitoussi, un passage de ses Memories ou Mémoires d’une paresseuse II (Janvier 2012-janvier 2014)

Helena Rubinstein, La femme qui inventa la beauté, Michelle Fitoussi

Voilà encore un livre en poche que j’ai lu d’une traite. Une biographie basée essentiellement sur les livres écrits par Helena Rubinstein ou plutôt par des Ghost Writers, en anglais pour des Nègres en français sans doute plus très politiquement correct. Mais aussi par d’autres qui l’ont bien connue tel son secrétaire privé Patrick O’Higgins Dans l’enfer doré d’Helena Rubinstein, Laffont 1971.
Inutile de dire que Helena Rubinstein est un phénomène, une pionnière, c’est presque un lieu commun. Elle n’est pas la seule dans ce domaine, mais une des plus marquantes. Elle serait née en 1872 et morte en 1965, à 93 ans. Elle cachait son âge comme ma mère. Elle avait dix ans de plus que ma grand-mère. Un monde les sépare. Or elles faisaient partie de la Galicie, empire austro- hongrois. Helena Rubinstein était de Kazimierz, quartier juif de Cracovie et ma grand mère était d’un bled proche de Tarnov, peut-être Tarnobjek. Elles étaient proches géographiquement. Je croyais que dans la génération de ma grand-mère toutes les femmes étaient pieuses et portaient la perruque.

J’aurais cru que Helena Rubinstein était plutôt de la génération de ma mère et encore. Déjà enfant j’interrogeais ma mère sur l’assimilation qui me semblait avoir commencé de son temps. Sa réponse ne variait pas. La culture ouvrait des portes nouvelles. Pas tous arrivaient à joindre le religieux et le culturel qui leur permettait de s’éloigner de la pauvreté ambiante. Ma mère était une femme chic habillée à l’européenne. Elle avait fréquenté les écoles de l’empire austro-hongrois. Sa soeur aînée, Sidonie se lança dans la haute-couture comme la mère et la grand mère d’Helena Rubinstein qui naquit après la Deuxième Guerre mondiale. Elles venaient de Prague et firent carrière aux Etats-Unis après maintes tribulations et complètement assimilées.

Quant à moi qu’ai-je en commun avec cette femme fascinante, si ce n’est que la mère d’Helena s’appelait Gitel fille de Rivka. Et même sa Gitel et la mienne avaient le même prénom polonais Augusta. Je me souviens que dans ma jeunesse estudiantine j’utilisais ses produits cosmétiques. Elle était très liée à Israël. Elle a même rencontré Golda Meir. Elle s’identifiait aux femmes qui avaient construit le pays. Un musée à Tel Aviv porte son nom. Ce qui m’a le plus manqué dans cette biographie, c’est une réflexion plus approfondie sur le passage d’une culture à l’autre. Si  Helena Rubinstein détestait ses origines pauvres, si elle s’inventait une histoire, elle était malgré tout une vraie galitsianer juive. Elle avait cette acuité que je retrouvais chez certains membres de ma famille. Quant à mon grand-père, il était aussi peu doué que son père qui lui étudiait tandis que le mien déjà s’était éloigné. Ce qui ne devait pas convenir à ma grand-mère qui faisait partie de cet autre monde malgré son ouverture sans transiger pour autant sur le rituel.  Ce qui devint « normal » à notre époque avait commencé bien avant. C’est la quantité qui change. Vérité de la Palice.

©Esther Orner