Le poète Israël Eliraz, septième génération en Israël, n’est plus
Esther Orner, amie et traductrice du poète israélien, Israël Eliraz, lui rend hommage.
Le poète Israël Eliraz, septième génération en Israël, n’est plus.
Il y a des jours où tout se mélange. Le 22 mars de bon matin je suis allée au consulat français pour remplir mon certificat de vie. J’eus quelques vilaines pensées. Puis avec une amie nous sommes allées prendre un petit déjeuner face à la mer que je n’avais plus vue depuis longtemps. Un belle journée au ciel bleu en perspective quand l’amie reçoit sur son téléphone « intelligent » l’annonce d’attentats à Bruxelles, une de mes villes.
Et comme si ça ne suffisait pas rentrée chez moi, Mochi, le fils de Noémie et d’Israël Eliraz, m’annonce la mort de son père.
Une semaine plutôt j’avais appelé les Eliraz pour m’assurer que dans quelques jours je les rencontrerais chez des amis à Jérusalem. Je suis tombée sur une Noémie défaite, elle m’annonce la maladie d’Israël qui en très peu de temps l’emportera.
Ne pouvant me rendre à l’enterrement qui eut lieu le jour de son anniversaire de quatre vingts ans le 24 mars, ni à la Chiva, pour pouvoir intégrer la disparition de l’ami et du poète il ne me reste rien d’autre que de le lire, le relire, et écrire ces quelques lignes.
Sa vie spirituelle fut celle d’un intellectuel, d’un grand lecteur depuis les premières années de son enfance, d’un écrivain de romans et de théâtre, et puis exclusivement celle d’un poète à partir de 1980. Il s’y consacrera jusqu’au dernier jour me dit Noémie avant Shabbat.
J’ai lu et relu en hébreu le livre de Havah Pinhas-Cohen – L’école d’un seul homme Dialogue avec Israël Eliraz. Kibboutz Hamehouhad.
Plus qu’un dialogue, la poétesse Havah Pinhas Cohen sut faire parler Eliraz sur sa vie, sur son histoire, sur son Ars Poétique tout en sachant lui donner la réplique.
J’avais oublié que Eliraz, né à Jérusalem, faisait partie de la sixième ou septième génération d’un côté comme de l’autre installé dans le pays. Ce qui pourrait expliquer que pour lui la terre d’Israël est un lieu naturel qu’il parcourt en long et en large. Il a l’art d’écrire ce que l’oeil voit ou perçoit du lieu sans aucun romantisme. L’hébreu c’est sa langue maternelle même si autour de lui on parlait yiddish et arabe. Très jeune il apprit le français à l’école de l’alliance.Tout cela n’est pas très courant dans le landerneau littéraire de l’endroit.
Israël Eliraz nous avait été envoyé à Paris fin des années 70 par une amie commune Suzanne Abitbol.
Elle mit en contact Jonathan Merzer, mon mari avec Israël qui le mit en contact avec le théâtre Khan à Jérusalem situé face à l’ancienne gare des trains. Jonathan y a monté deux spectacles Le Marathon de Claude Confortès et Molière. Les deux pièces, me semble-t-il ont été traduites par Eliraz. Après ça Jonathan montera d’autres spectacles – La forêt d’Ostrovski au Caméri. Il est difficile d’être Juif de Shalom Aleichem dans un théâtre pour enfants, celui d’Orna Porat. Et il décidera que le temps de revenir au pays était arrivé. Nous sommes revenus en 1983.
Une réelle amitié est née entre les deux familles. Israël qui venait souvent à Paris et très au fait de la culture française a même logé chez nous à la rue Gutenberg. Quand nous venions en Israël, nous habitions à Mevoh Yoram pas très loin de chez eux. On se voyait souvent.
Pendant la maladie de Jonathan et après sa mort, Israël et sa femme Noémie furent très présents. Je lui avais même demandé de faire le Kaddish pour les morts à l’enterrement. C’est alors que j’appris que quelqu’un qui a ses parents en vie ne peut le réciter.
Plus tard Israël eut l’idée de me demander de traduire ses poèmes. J’hésitai. Puis j’obtempérai. J’avais traduit du théâtre, des nouvelles mais pas de la poésie. Une première étape fut la publication de quelques poèmes dans Les Cahiers du Nouveau Commerce. Marcelle Fonfreide souhaitait publier un poète israélien. Je lui ai proposé Eliraz bien qu’il n’était pas encore reconnu comme aujourd’hui. Elle le publia dans la revue en 1990. Puis il obtint d’elle la publication du livre Promenade dans sa petite collection de livres en 1994.
Cette expérience de traduction comme d’autres ne fut pas sans heurts. Mais face à la mort cela me semble sans importance et même regrettable. Ainsi va la vie pour ne pas dire une banalité.
Toutefois je n’oublie pas qu’Israël Eliraz contribua à notre retour en Israël par sa collaboration avec Jonathan. Quant à moi après cette première traduction en collaboration avec lui, je choisis de ne traduire que de la poésie comme lui choisit d’en faire à partir de 1980.
©Esther Orner