Le billet de l’invitée: Suite et fin, Esther Orner
Mon amie Esther Orner travaille actuellement sur ses « Memories ». Elle revient sur le boycott culturel dont elle a été l’objet.
Elle a accepté que je publie cet extrait dans le cadre de ma rubrique, Le Billet de l’invité(e).
Suite et fin
Entre temps en parlant de mon passé, de notre passé à Paris, la nouvelle de mon boycott à l’université d’Aix en Provence m’a bien occupée. M’a distrait de l’essentiel.
C’est l’été ça s’est calmé. C’est proche. Trop proche. Je le relaterai quand même. Relatons les faits que j’ai répété à l’envi.
Depuis 2008 j’étais censée participer à un colloque à l’université d’Aix en Provence- Marseille 1. Le thème c’était d’abord « Créer aujourd’hui autour de la méditerranée », puis « Écrire aujourd’hui autour de la méditerranée » et pour finir sans doute après l’affaire « Écrire aujourd’hui autour de la méditerranée, échanges et tensions »
Le premier me convenait davantage. Est-ce que ce que j’écris à avoir avec la Méditerranée ? Aurais-je écrit les mêmes livres ailleurs ? J’ai commencé à forger mon style à Paris, loin de la Méditerranée dans un pays, la France qui fait partie jusqu’à ce jour de la Méditerranée au moins par son sud à l’accent fleuri.
Mon livre Autobiographie de Personne écrit à Tel Aviv, dans mon appartement presque au bord de la Méditerranée avec plein de références à ce lieu se passe également ailleurs. Plus tard Une année si ordinaire est en plein dans le sujet «échanges et tensions. » J’aurais certainement trouvé quoi dire. Jusqu’à ce jour je n’y avais même pas pensé. J’attendais une réponse définitive pour me mettre au travail. Elle est arrivée le 4 juillet 2010.
Je venais de terminer une séance assez lourde. Je venais de donner un témoignage presque contre ma volonté à Yad Vachem. Deux heures pas faciles. C’est un euphémisme. Je venais à peine de proposer de remettre la séance à une date ultérieure lorsque Daphna, ma fille revenant de son travail me tend une lettre. Je regarde l’adresse et je comprends aussitôt qu’il s’agit soit de l’annulation du colloque ou de sa remise à plus tard. Je lis la lettre sans surprise aucune. Je ne suis même pas agacée. Et surtout pas étonnée.
Dès le début j’ai su qu’il ne fallait pas passer cette « affaire » sous silence. Mais comment faire sans impliquer l’amie Anne Roche.
Ce qui m’incita à rendre public le boycott, c’est une lettre emberlificotée d’un des membres du comité à qui Anne Roche avait montré ma lettre privée.
Personnellement je n’étais pas en cause, il fallait que ça se sache. Halte au boycott culturel et en général contre Israël.
Mon amie Rachel Samoul proposa d’en parler dans son blog Kef Israël. Je lui donnai l’autorisation. Elle le mit en ligne le 12 juillet. Aucune de nous ne s’est imaginée l’ampleur que cela prendrait. De Kef Israël à Facebook l’information circula d’une manière incroyable. Des réactions de toute part comme si l’on attendait que l’on en parle enfin de ces boycotts devenus monnaie courante.
S’ensuivit une autre correspondance « privée » avec le même membre du comité scientifique. Correspondance qui aurait dû me convaincre de la bonne foi des organisateurs. Toutes les lettres m’étaient adressées et à Anne Roche dont je n’ai plus de nouvelles. « L’affaire » s’étant trop propagée, il fut décidé d’annuler le colloque. La dernière lettre « privée » m’annonça « Oui, l’annulation est officielle et doit être officialisée auprès des membres du comité scientifique et des intervenants. J’espère que vous ne l’annoncerez pas comme une victoire sur un ennemi que nous ne représentons pas.»
Irritée, ma réponse fut une fois de plus très claire :
«De quelle victoire vous parlez ? Non seulement je n’y vois aucune victoire mais un échec. Annuler un colloque car certaines personnes ne sauraient supporter la présence d’un(e) Israélien(e), me semble un comble.(…) Votre réaction me conforte dans ma décision de ne pas avoir laissé passer sous silence toute cette histoire.»
Les arguments du comité scientifique ne me furent pas adressés, mais à l’avocat Michaël Ghnassia qui dès qu’il fut informé par des amis communs se mobilisa, lui aussi. Toutefois je reçus le communiqué officiel adressé à la presse le 20 juillet 2010.
Le lendemain nouveau papier sur le blog de Rachel Samoul où elle reproduit le communiqué en le commentant. (…)
Ce communiqué de presse rendit public « l’affaire ». Des journalistes s’en emparèrent. Je n’exagérerais pas si je disais que l’info fit le tour du monde.
Tous essayèrent de savoir les noms des fameux arabes. On ne sut que leur nationalité – palestinien, égyptien et libanais – en sommes nos voisins les plus proches. (…)
Et malgré tout je ne suis ni meurtrie, ni pessimiste. Je ne me serais jamais mobilisée si moi seule j’étais en cause. Je l’ai répété et répété – mon inquiétude c’était et cela reste la dé-légitimation d’Israël et par là, celle du peuple juif.
Bien avant cette histoire, j’ai souvent utilisé le mot boycott. Cette histoire me turlupinait depuis longtemps jusque ça m’arrive à moi. D’une information qui m’interpelait c’est devenu une affaire personnelle, mais dans laquelle je n’étais qu’un maillon toujours de cette même histoire collective.
Pour conclure je devrais citer tous les noms de ceux qui nous ont soutenus, des amis, des inconnus, des organismes, la place me manque. Et surtout je m’en voudrais d’en oublier. Que chacun se reconnaisse.
Ce fut une fête de l’amitié et de la solidarité. Rachel Samoul a donné le coup d’envoi et la communication ou comme dirait une amie le tamtam a fait le reste. Non, je ne regrette rien.
©Esther Orner
Quelques articles dans la presse:
Dans la presse locale, Le Point, En Israël dans Ynet, en anglais, en italien.
Colette Allouch
Sep 12, 2010 @ 12:42:08
Esther,
Comme tu le sais, j’ai suivi l’affaire depuis le début mais je me demande maintenant si c’est vraiment la fin.
Je souhaite que beaucoup d’autres suivent ton exemple.
Esther
Sep 12, 2010 @ 18:49:42
La fin des fins, sans doute pas. Au moins l’affaire n’est pas restée secrète grâce à Kef Israel. Et comme toi je souhaite qu’elle serve d’exemple.
Jacky
Sep 12, 2010 @ 19:32:10
Esther,
Comme Colette et beaucoup d’autres, j’ai suivi l’affaire et ne suis nullement étonné des résultats. J’admire ton courage et ta force de volonté qui a permis au monde de comprendre que le peuple d’Israël, ses intellectuels et ses académiciens ne sont pas des boucs émissaires pour certains intéllectels arabes qui ne font que diffuser la haine au lieu de trouver un terrain d’entent commun.
Je ne pense pas que ce soit la fin, mais j’espère que ton courage et ta perséverence servira d’exemple.
Chapeau.
Jacky
Colette Leinman
Sep 12, 2010 @ 20:17:32
Iil faut croire que, dans le contexte ambiant anti-israélien, l’annulation du colloque soit considérée comme une preuve de courage de la part de ses organisateurs.
Mais le fait de penser très dignement et sans doute avec bonne conscience que cette décision est en soi un ‘succès’ révèle surtout leur profonde faiblesse morale.
alain
Sep 13, 2010 @ 02:05:54
Esther,shana tova
Les democraties sont grandes perdantes,Israel est perdant,nous sommes tous perdants car nous ne sommes pas parvenus a renverser la situation
Il n’est peut-etre pas trop tard!
Alain
daniel
Sep 13, 2010 @ 14:36:58
chere esther
on te felicite deux fois une fois parceque tu representes admirablement bien la culture franco israelienne et une fois pour avoir tenu bon jusquau bout pour ne pas demissionner devant les menaces et tentatives de boycott.
le fait d avoir annule le congres n est pas une victoire pour nous mais un coup porte a ceux qui ne veulent pas de nous aupres d eux et aupres des autres.
nous esperons de tout coeur que le prochain congres te sera dedie personnellement pour ton talent et ta peseverance
be atslaha
shana tova et hatima tova
daniel nicole
Céline Masson
Sep 13, 2010 @ 20:56:15
Chère Esther
Il faudrait organiser un colloque sur le même thème avec vous en personnalité d’honneur…
Shana tova
Céline Masson
rachelsamoul
Sep 13, 2010 @ 21:13:10
Céline, je trouve que c’est une idée formidable!
Shahar Annette
Sep 20, 2010 @ 11:04:52
Chapeau, je suis bien contente que le colloque ait été annulé.
Il faut s’opposer au boycott académique et le dire de vive voix.
Annette
Deborah Guth
Sep 20, 2010 @ 11:06:21
Je suis contente que votre histoire ait ete publiee. Cela se passe malheureusement trop souvent mais est passe sous silence « polie » pour ne pas gener ou embarrasser les hotes « bien-intentionnes » ou « pris de court. » Comme tout dans la vie, chacun doit payer le prix de ses actions, et cela inclut les institutions qui sont « pris de court » par les exigences d’autres invites et se plient.
André UGHETTO
Sep 22, 2010 @ 10:07:03
J’aime bien la douce ironie d’Esther Orner, subtilement distillée également dans ses récits.
Dans le cas de cette affaire, on peut dire aussi que les boycotteurs se sont eux-mêmes boycottés. C’est aussi la conclusion que l’on peut tirer de l’incident.
Esther
Sep 22, 2010 @ 10:10:36
Un grand merci pour vos commentaires qui nous confortent dans ce qu’il faut oser appeler une petite entreprise. Rien n’était évident sauf le boycott qui est toujours collectif même s’il s’adresse à une personne.
amar j c
Oct 09, 2010 @ 11:03:26
bravo pour vos initiatives le refus des anti israeliens de discuter avec vous prouve qu ils ne se sentent pas tres a l aise devant certaines verites