La vie en ville, un poème de Méir Wieseltier
Méir Wieseltier est l’un des grands poètes d’Israël. Il est mort le 30 mars 2023 à l’âge de 82 ans.
Le poète Meir Wieseltier est né le 8 mars 1941 à Moscou, en Russie, et est arrivé en Israël en 1949 alors qu’il était enfant, après avoir passé deux ans en Pologne, en Allemagne et en France. Il a grandi dans un kibboutz et à Natanya. Il a déménagé à Tel-Aviv à l’âge de 14 ans. Il a étudié la philosophie, l’histoire et l’anglais à l’Université hébraïque de Jérusalem et a ensuite vécu plusieurs années à Londres et à Paris. Dans les années 1960, Wieseltier était la figure centrale d’un groupe d’artistes connus sous le nom de « poètes de Tel-Aviv » et il a édité un certain nombre de magazines littéraires. Il a également été co-fondateur du magazine littéraire Siman Kriah, et de 1986 à 1989, il a été éditeur de poésie à la maison d’édition Am Oved. Pendant plusieurs années, il a enseigné la littérature à l’Université de Haïfa. Wieseltier a traduit de la poésie anglaise, française et russe en hébreu, ainsi que sept des tragédies de Shakespeare, deux pièces de Christopher Marlowe et des romans de Virginia Woolf, Charles Dickens, E.M. Forster, Aldous Huxley, Malcolm Lowry et d’autres.
Il a reçu trois fois le Prix du Premier ministre (1977 ; 1993 ; 2011), le Prix Elite Jubilee (1984), le Prix Bialik (1995), le Prix Israël de littérature (2000) le Prix L’Olio della Poesia (Italie, 2004 ) et le prix Neuman (2015). Ses poèmes ont été publiés à l’étranger dans une vingtaine de langues.
Wieseltier a toujours adopté une position littéraire non conformiste. Sa passion pour Tel-Aviv joue un rôle important dans son écriture et s’exprime dans une relation amour-haine. Il utilise souvent des images ironiques et un ton sarcastique et désespéré pour exiger une prise de conscience complète des réalités inévitablement douloureuses de la vie, et exhorte à une implication émotionnelle et philosophique totale. Wieseltier se place au cœur de son œuvre, écrivant souvent à la première personne, et assume le rôle de moraliste, à la recherche de valeurs au milieu du chaos. Pour Wieseltier, la poésie est à la fois oppressante (« une soif de mensonges ») et vivifiante : par nature futile, elle est néanmoins l’alternative à l’abandon et à la médiocrité.
Source en anglais : The Institute for the Translation of Hebrew Literature
Pour lui rendre hommage, je publie ici l’un de ses poèmes traduit par Esther Orner et publié dans le Continuum n°6, la revue des Ecrivains israéliens de langue française.
La vie en ville
Je vis toujours dans la même ville.
Cinquante ans dans une même ville ?
J’ai été aussi dans d’autres villes
d’ici de là, mais beaucoup moins.
Est-elle toujours la même ville ?
Cinquante ans et la même ville ?
Un rêve qu’il vaut mieux ne pas rêver.
Une ville ne reste pas sur place.
Pas comme un poème qui reste lui-même
qui continue de rêver qu’il n’est pas dépassé
qu’il n’est pas une fracture fossilisée pétrifiée –
un dinosaure vivant exalté.
Même si un autre lecteur s’avançait
sceptique réticent et aliéné,
il ne changerait ni une lettre ni un signe
pour un poème limpide, évident.
Telles phrases témoignent de l’âge,
et peut-être feront-elles reculer les débutants
Seul celui ç la barbe blanchissante comme une page
peut les gribouiller sans cligner des yeux.
Méir Wieseltier traduit par Esther Orner
Pour écouter Méir Wieseltier lire ce poème en hébreu :
Lire aussi :
J’ai de la sympathie pour Tel Aviv