La musique pop israélienne de ceux qui croient en Dieu : Ishay Ribo et Avraham Tal

Dans le cadre du Billet de l’Invité, j’ai le plaisir d’accueillir mon ami le Docteur Alain Horowitz qui a écrit pour Kef Israël sur le vin israélien et qui apprécie tout autant la musique israélienne ! Il nous propose un état des lieux très intéressant de la musique pop israélienne.

Après les chanteuses, Static et Ben El et Chem Tov Evi, voici le troisième volet concernant cette fois le pop emouni avec Ishay Ribo et Avraham Tal ou la connexion marseillaise !

Mais l’année 5780 aura surtout été celle du pop emouni, c’est à dire la musique pop de ceux qui croient en Dieu. Depuis les débuts de la musique israélienne, même dans les kibboutz des années 1920, les thèmes bibliques étaient souvent repris dans les paroles et les refrains des danses et chansons. Tous les plus grands chanteurs et groupes de musique israélienne de ces 50 dernières années ont occasionnellement chanté des thèmes bibliques, que ce soit Matti Caspi et Ehud Manor, Shlomo Artzi, Chalom Hanockh, Yehudit Ravitz, Ofra Haza. Sarit Hadad chante Shema Israël, Hagashah Hachiver chante de l‘eau pour le Roi David. Et, cela a toujours été très bien accepté par le grand public, dans son ensemble plutôt laïc.

Ces dix dernières années s’est produit un phénomène nouveau et combien intéressant. Là où dans le passé les chanteurs appartenant au monde orthodoxe ne chantaient que des paroles bibliques ou des versets du Talmud, une nouvelle génération de chanteurs croyants sont devenus de vrais troubadours du pop folk, faisant parler cette fois leur vécu, leurs émotions, leurs joies et leur peines, tout en puisant leur force et trouvant les réponses en Dieu. Non plus des versets bibliques, mais du texte, du Pierre Delanoé teinté de foi hébraïque. Ils sont tous issus de familles pratiquantes voire orthodoxes, ou alors font partie de ces laïcs qui ont fait un retour vers la foi- hozer betshouva (1).

Et une fois de plus, le public laïc marche à fond et entonne les refrains. De plus ces chanteurs issus du milieu traditionnel croyant chantent volontiers en duo avec d’autres artistes nettement moins pratiquants. Par exemple Ishay Ribo avec Shlomo Artzi. C’est un peu un pied de nez à ceux qui voudraient voir dans la société israélienne un ensemble de communautés sans aucun contact entre elles. Alors qu’autour de la table du Kiddoush et du repas de Shabbat tous les genres se mélangent.

Cela étant dit, ce genre de pop emouni  n’est que peu présent coté artistes féminines. Il y a certes Narkiss, voix exceptionnelle qui non seulement chante mais également compose, une laïque ayant retrouvé la foi-hozeret betshouva (2) ayant quitté Tel Aviv pour Safed. Mais qui se garde bien du cantonnement excessif dans son nouveau milieu, et qui critique un peu le pop emouni de ces messieurs pour être incapable parfois de composer une chanson sans que Dieu ne soit présent dans chaque phrase, dans chaque virgule. Voici Ishay Ribo et Avraham Tal qui ont tous les deux une connexion marseillaise !

Ishay Ribo

Le plus orthodoxe parmi tous ces artistes masculins chantant leur foi en Dieu est né à Marseille, et a fait son alyah à l’âge de 9 ans, avec toute sa famille lorsque son père a décidé de retrouver la foi et de plier armes et bagages. Ishay a vécu en province israélienne, en périphérie comme on le dit en Israël. Son éducation en collège et lycée a été le fait d’institutions religieuses, des yeshivot et ensuite il a servi sous les armes de Tsahal pendant un an et demi, service écourté dans une unité réservée aux ultra orthodoxes. En fait, déjà à l’âge de 13 ans Ishay Ribo écrit, compose et enregistre des chansons. Chanteur hors du commun, il remplit les salles de public mixte, laïcs et pratiquants, il n’y a que pour quelques concerts réservés aux ultras orthodoxes qu’il y a séparation entre femmes et hommes. On le retrouve à l’affiche dans les salles de Zappa tout comme à l’amphithéatre de Césarée, où il affiche complet. Il réussit le tour de force d’avoir trois entrées au hit-parade de 5780 dont un duo avec Nathan Goshen, autre jeune chanteur traditionnel religieux.

C’est très pop folk acoustique, une guitare, un piano, un rien de percussion et de synthé, mais c’est surtout sa voix et sa façon incomparable d’entonner ses refrains, un peu à la façon d’un barde Breton chantant à pleins poumons face à l’océan, avec par ci par là une petite pointe de hip hop.

Keter Meloucha, le couronnement du roi, il s’agit évidemment du royaume de Dieu. Chanson de circonstance, la réponse au défi du COVID19, cela ne peut être que la foi, l’unité et l’espoir. Et s’adressant à l’Eternel de demander « que voudrais-Tu que nous retenions de tout ceci, comment vaincrons nous cet isolement? » Notre orgueil a provoqué le retour de la tour de Babel. Shema Israël, entend Israël, il nous faut recouronner notre Seigneur.

Ishay Ribo, Keter Meloucha 

Avraham Tal

Avraham Tal, 44 ans, qui a grandi à Neve Ativ, sur les hauteurs et près des pistes de ski du Hermon. Ses parents ont fait leur Alyah dans les années 1970, de Marseille. A l’âge de 10 ans il touche déjà à toutes sortes d’instruments, mais en autodidacte. Il devient le chanteur soliste du groupe Shotei Hanevua, les fous de la prophétie, c’est un terme qui provient du Talmud, et le groupe sera sacré groupe de l’année en Israël en 2005. Musique riche en influences diverses, hip hop, reggae, pop et Mizrahi, des textes épris de paix mais aussi inspirés de Kabbalah, j’y vois un peu un après George Harrison. Plusieurs tubes. Et puis Avraham Tal quitte le groupe et entame une carrière solo. Quatre albums, plusieurs tubes également, et deux ans comme juge à l’émission The Voice.

 

En juin dernier, au moment où Israël sort de son premier confinement, il écrit une chanson optimiste, un genre de réveillez vous compagnons et mettons nous joyeusement en route, sous le titre de Shavua Tov. Je vous souhaite la bonne semaine, Shavua tov se souhaite en Israël dès le samedi soir, à la sortie du Shabbat. Il écrit et compose la chanson avec l’idée de la faire chanter par un autre artiste, mais se laisse convaincre par ses amis que sera lui ou personne d’autre. Et c’est le vent de marée, impossible d’y résister, le rythme vous emporte, la percussion mêlée à la voix d’Avraham aux tons parfois très aigus, c’est un groove optimiste qui se lance à l’attaque des moulins à vent de la morosité et de l’angoisse du COVID.

Avraham Tal, Shavua Tov. 

©Alain Horowitz

(1) Hozer betshuva, un Juif laïc qui a retrouvé la foi et est devenu pratiquant, voire carrément orthodoxe. Et le contraire, Hozer Besheela, a remis la foi hébraïque en question et est devenu laïc. Contrairement à l’idée préconcue, il y a nettement plus de Hozrim Besheela, certaines études parlent de 20% des filles et fils de la communauté orthodoxe qui redeviennent simplement pratiquants traditionnels ou laïcs.