Auschwitz expliqué à ma fille, Annette Wieviorka
Une relecture d’Esther Orner sur Auschwitz expliqué à ma fille, Annette Wieviorka, Seuil 1999
J’aime beaucoup ces petits livres expliqués ou racontés à ma fille, à mes enfants, à mes petits enfants ou à tout le monde qu’écrivent Myriam Revault d’Allonnes, Roger-Pol Droit et tant d’autres en marge de leur travail. Ces petits livres d’une cinquantaine ou soixantaine de pages s’adressent à tous, me semble-t-il, et nous facilitent la compréhension en profondeur de questions fondamentales.
A l’approche de la journée internationale des victimes de la Shoah, j’ai ressenti la nécessité de lire et de relire Auschwitz expliqué à ma fille par l’historienne Annette Wieviorka qui aborde toutes les questions sans complaisance, avec doigté et sensibilité.
Comment effectivement raconter à nos enfants ce que l’on ne nous a pas raconté ou que nous n’avons pas su entendre, sans les blesser et à quel âge sont-ils mûrs pour écouter l’innommable.
Au nom des idées en vogue à la fin des années soixante qu’il ne fallait rien cacher à ses enfants, je me suis retrouvée face à ma fille de trois ans à lui dire que son grand-père avait été assassiné par les nazis. C’était à la suite de sa question – pourquoi elle n’avait pas de grand-père. J’avais répondu. La question ne fut plus soulevée. Quelques années plus tard nous passons devant un cinéma et regardons les photos, ma fille de cinq ans dit voilà les nazis qui ont tué mon grand-père. Effectivement c’était des soldats du troisième reich. Elle était défaite. Je n’étais pas fière.
Si j’avais lu le petit livre qui n’avait pas encore été écrit, je m’y serais peut-être prise autrement.
Les questions de Mathilde partent de son vécu. Une amie de sa mère, Berthe a un numéro sur le bras, la fille Mathilde l’a toujours vu, mais c’est à l’âge de 13 ans qu’elle veut savoir et comprendre.
Et l’historienne qui est une autorité dans la recherche sur la Shoah dit « Ce qui m’a frappée, quand j’ai tentée de répondre à Mathilde pour lui expliquer ce qu’était Auschwitz, c’est que ses questions étaient les mêmes que celles que je me posais moi-même indéfiniment ou qui traversent depuis plus d’un demi-siècle la réflexion des historiens et des philosophes et auxquelles il est si difficile de répondre. Simplement elles étaient exprimées de façon plus crue, plus directe. Car s’il m’est facile comme historienne de décrire Auschwitz, d’expliquer comment s’est déroulé le génocide des Juifs, il reste un noyau proprement incompréhensible donc inexplicable : pourquoi les nazis ont-ils voulu supprimer les Juifs de la Planète. » Page 10.
Oui, pourquoi ? Les nazis à l’entrée des camps ne disaient-ils pas – ici pas de pourquoi.
Il est donc essentiel de continuer à poser ces questions que pose la petite jeune-fille.
Et je ne me lasse pas de me demander où était l’Europe ? Pourquoi a-t-elle laisser faire ? Pourquoi cet antisémitisme qui perdure sous diverses formes ? Oui, pourquoi ?
Et Mathilde qui reçoit des réponses toujours nuancées s’interroge « Qu’est-ce que les Juifs avaient donc fait pour qu’on veuille ainsi les tuer ? » Et sa mère de répondre : « Ils n’avaient rien fait (…)La victime elle-même, alors qu’elle est innocente, bizarrement se sent souvent coupable. C’est le cas par exemple d’une femme victime d’un viol. Certains estiment à tort, qu’elle est peu ou prou responsable de ce qui lui arrive. Les nazis antisémites ne reprochaient pas vraiment aux Juifs de faire quoi que ce soit de répréhensible, mais simplement d’être ce qu’ils étaient, juifs. » Page 55
@Esther Orner