La bouche ouverte, roman de Shmuel T. Meyer
Esther Orner a lu le savoureux roman de Shmuel T. Meyer, La bouche ouverte, publié aux Editions Serge Safran.
Un roman pas comme les autres
Habituée à la lecture des nouvelles de Shmuel.T.Meyer je n’ai pas fait attention à l’appellation contrôlée Roman. Je me prépare à lire des nouvelles. Je découvre très vite qu’il s’agit d’un roman. Et pour plus de précision – d’un roman-nouvelles.
Un roman car les divers personnages qui auraient pu ne jamais se rencontrer nouent des liens et nous les retrouvons au fil des jours, des ans et des lieux. Des nouvelles car chaque chapitre peut se lire indépendamment.
Mais s’agit-il de chapitres ? Première surprise la table de matière s’intitule Au Menu – Tapioca. Délices 1. Gratin de cardons etc. Certains mets me sont totalement étrangers. J‘apprendrai que ce sont des spécialités suisses.
Très vite on découvrira des histoires inattendues dans lesquelles s’intègrent des parts du menu.
Qui écrit ce roman ? Serait-ce Shmuel.T. Meyer ? Sans aucun doute, mais en déléguant à ses protagonistes tantôt un narrateur, tantôt une narratrice qui se révéleront seulement après quelques lignes.
Certes les personnages sont des Suisses, souvent des Genevois bien installés. Et pourtant certains s’expatrient pour diverses raisons. Ne voilà-t-il pas que Anne la fille du pasteur s’en va vivre en Israël avec Amos l’Israélien rencontré à l’université de Genève lorsqu’elle étudiait l’hébreu ancien. Et le cousin de Anne qui part au Canada enseigner la littérature comparée. Pour s’éloigner d’un amour interdit par la famille ? Le narrateur nous laisse libre d’interpréter. Il reviendra pour enterrer son frère. Anne qui aura vécu trente ans en Israël qui élèvera deux sabras qui se convertiront au judaïsme, reviendra, elle aussi, à Genève avec son mari. Et pourquoi lui demanderont ses grands enfants israéliens ? Je crois que j’avais envie de retrouver mes paysages (…) Israël n’était pas vraiment mon pays…j’ai fait semblant pendant trente ans de m’en convaincre. J’aime ce pays, mais Genève comment dire… (…) Genève c’est comme un ventre. page 52
Il y a aussi Joja la marxiste ou la communiste qui part en Palestine en 1947 dans un kibboutz plutôt qu’à Moscou. Elle nous réserve des surprises que nous laisserons aux lecteurs le plaisir de découvrir.
Et pour une fois pour conclure, je citerai la quat de couv qui résume le mieux possible ce dont il s‘agit dans ce roman-nouvelles si riche et original :
Récit émouvant et drôle de plusieurs femmes et quelques hommes attachants, parfois désarmés devant la providence et la puissance d’une histoire qui leur échappe.
Amours, suicide assisté, gastronomie, coffre-fort et secret de famille… Une sacrée et savoureuse cuisine !
Esther Orner