At Li Layla – Chelli, un film d’Asaf Korman
La chronique cinéma israélien de Brigitte C. :
At Li Layla – (Next to her) – Chelli 90 min. 2014
Metteur en scène : Assaf Korman dont c’est le premier long métrage.
Scénariste : Liron ben Chlouch. Le film est librement inspiré de son expérience personnelle. Liron ben Chlouch est la femme du metteur en scène.
Acteurs principaux :
Liron ben Chlouch dans le rôle de Heli
Dana Ivgi – dans le rôle de Gabi.
Interdit aux moins de 16 ans.
Il a reçu le prix du meilleur film au festival international de cinéma à Haifa octobre 2014.
Le film raconte la relation de dépendance, entre Chelli, 27 ans, gardienne d’école, et sa sœur Gabi, 24 ans, handicapée mentale profonde, dont Heli s’occupe apparemment depuis toujours. Dans cet univers clos, personne n’entre. Une assistante sociale, qu’on voit à peine, tente d’interférer. Quand la mère, qui a depuis bien longtemps opté pour la non-intervention leur rend une unique visite, celle-ci se passe mal. La seule présence qui pénètre dans l’appartement chaotique où vivent les deux sœurs est le bruit incessant de jour comme de nuit que font les voisins auxquels personne n’ose rien dire. C’est un quartier où la loi ordinaire n’a pas cours.
Dans ce film on parle à peine et tout est corps. Le corps de Gabi qui ne sait pas parler, hormis quelques mots, dont la présence corporelle et les soins intimes qu’elle requiert dominent toute la vie de Chelli qui lui donne à manger, la lave, et dort enroulée à elle, ce corps que Chelli domestique chaque jour et qui impose sa réalité crue au spectateur impuissant.
Mais langage du corps aussi uniquement, dans la relation qui naît entre Heli et un professeur de l’école où elle travaille. Car Chelli ne sait rien dire au monde de la vie qui est la sienne. Elle ne connaît que le réconfort qu’apporte le corps à corps. Cet homme va petit à petit faire une brèche dans la relation symbiotique entre les deux sœurs quand Chelli est poussée à amener sa sœur dans un centre de jour pour handicapés où Gabi semble prendre plaisir à aller. Un moment il semble que la vie des deux sœurs va accueillir le monde extérieur et les faire sortir de cet enfermement qui les malmène. Mais les bonnes intentions de Chelli enchaînée dans cette relation de dépendance à sa sœur, l’amèneront à détruire la possibilité d’une autre vie et la fin du film ne dit pas si le spectateur peut espérer pour elle qu’elle puisse un jour saisir une nouvelle chance.
At Li Layla את לי לילה,Chelli est un film cru, un coup de poing, un film sans espoir. Il s’inscrit dans la veine hyper réaliste qui caractérise un certain cinéma israélien comme » That lovely girl » ou « Six Acts ». Les critiques ont célébré ce film à l’unanimité. Dana Ivgi, qui joue le rôle de Gabi, est une actrice prodigieuse. C’est certes un film courageux qui montre ce qu’on ne montre jamais et qui ne juge pas Heli le personnage principal mais il mène le spectateur à une impasse où on lui fait violence.
Le film se conclut sur la chanson ‘At li layla’, chanson d’amour et de désespoir interprétée ici par Dana Ivgy, si je ne me trompe, dont les mots évoquent la nuit le silence le crépuscule la distance l’étrangeté la nuit la nuit.