Une vie en poésie – Avraham Halfi
La chronique cinéma israélien de Brigitte C.
A Life of Poetry : The story of Avraham Halfi – documentaire
Metteur en scène : Uri Misgav
Durée du film : 55 min. Sortie juillet 2014 au Festival du cinéma de Jérusalem.
Le plus grand hommage fait à un poète, dit-on, c’est quand tout le monde connaît le poème même si le nom du poète a été oublié. En Israël, tout le monde connaît les premières rimes: ton front est ceint d’or noir…Le film s’ouvre sur ce poème mis en musique par Yoni Rechter et chanté par Arik Einstein …ton front rime avec yeux et lumière…, Arik Einstein accompagné de deux chanteuses, Yehudit Ravitz et de Corinne Allal. C’était en 1977 ou 1978. On dirait que c’était hier – me voilà sous perfusion nostalgique.
Car ‘Une vie en poésie‘ est un film pour amoureux du Tel-Aviv d’antan, quand les célébrités étaient acteurs ou poètes et les liaisons amoureuses clandestines.
Avraham Halfi avait deux personnalités : un côté solaire en tant qu’acteur dans un registre comique et un côté sombre, celui du poète.
Il est né en 1905 à Lodz, en Pologne. On ne sait pas grand-chose de son enfance. Sa mère est morte quand il avait trois ans. En 1924, il vient vivre en Palestine et intègre la troupe débutante du théâtre ‘HaOhel’, toute sa vie il fera l’acteur le soir et le jour écrira des poèmes. C’était un homme modeste et secret. Lui consacrer un film qui le met en lumière semble presque inconvenant, pour lui qui disait vouloir se réduire en un point anonyme. Mais 34 ans se sont écoulés depuis sa mort en 1980 et le metteur en scène a voulu le tirer de l’oubli,comme il le dit dans une entrevue donnée au journal Haaretz (10.7.2014)
Raconter la vie d’Avraham Halfi c’est évoquer toute une époque que le film fait revivre dans un collage : on voit ses amis comédiens parler de lui et on apprend qu’il était drôle et charmant,on voit le poète Natan Zach répéter qu’Avraham Halfi refusait de faire état de sa poésie, on voit des photos de l’enfant dont il a été le parrain aimant et dévoué, des reproductions d’Aliza Berlinski, la femme au front ceint de l’or noir de ses cheveux, mariée à un autre, qui s’est suicidée bien des années plus tard (ou selon l’expression hébraïque a porté la main à son âme) et qui selon ses dernières volontés a fait graver sur sa tombe la première strophe si célèbre du poète qu’elle a inspiré. Encore et encore des fragments de souvenirs. On apprend qu’à 71 ans il s’est marié, que de ce mariage est née une fille cinq mois plus tard, il n’en avait parlé à personne et que ce mariage serait l’acte chevaleresque de cet homme si délicat. Et on remercie Arik Einstein et Yoni Rechter de lui avoir prêté leurs voix et Uri Misgav d’avoir rendu à Halfi ce qui était à lui.
Ton front rime avec tes yeux et la lumière
« Ton front est couronné d’or noir
Je ne me souviens pas si on a écrit un tel poème
Ton front rime avec tes yeux et la lumière
Je ne me souviens pas si on a déjà fait de telles rimes
Mais celui à qui tu appartiendras
Sa vie sera pleine d’un poème »