Le cours étrange des choses de Raphël Najari
Bienvenue à notre nouvelle et jeune chroniqueuse du cinéma israélien, Simone Emilie. Après un master de cinéma à la Sorbonne, quelques courts métrages réalisés, un an de voyage par ci par là, Simone Emilie décide sur un coup de tête de poser son baluchon à Tel Aviv, pour se rapprocher du cinéma israélien qu’elle admire de plus en plus.
J’attendais impatiemment Le Cours étrange des choses le dernier film du réalisateur franco-israélien Raphael Nadjari, après avoir découvert le génial Tehilim (2007).
Saul trentenaire, divorcé, père d’une petite fille, pas vraiment bien dans sa peau, décide sur un coup de tête d’aller rendre visite à son père Shimon. Ce dernier vit à Haïfa, avec une nouvelle compagne, il a l’air d’être beaucoup plus heureux que son fils. Les deux hommes ne se sont pas vus depuis cinq ans, et pas seulement parce qu’ils ont des agendas de ministres…
Saul (Ori Pfeffer) et son père Shimon (Moni Moshonov)
Oui mais voilà, après trente minutes de film, pendant que Saul se réveille à Haïfa, moi, j’énumère les légumes de mon frigo et m’imagine ce que je vais me préparer en rentrant chez moi.
Le rythme est lent, à la limite de nous perdre. Deux ou trois scènes drôlement absurdes nous rattrapent quand même avant que Morphée ne le fasse… Je pense à la scène du restaurant où la petite famille recomposée mange un délicieux poisson, qui rate d’étouffer Shimon par une arête mal engloutie.
Mais Raphael Najari finit définitivement par nous égarer. Son chemin est tracé d’avance pour et par le spectateur. On le devance, on l’attend, puis on le devance encore et on finit par avancer sans lui.
Les raccourcis entre succès du père Shimon, fiasco complet du fils Saul, et vice versa sont trop évidents et rythment le film de manière systématique. On ne ressent plus le besoin de réfléchir, ni d’évoluer avec le personnage, on peut prédire le processus de Saul vers cette réconciliation avec lui-même.
Précisons que Raphael Nadjari dirige Ofi Pfeffer et Moshi Moshonov à merveille. Excellents, et loin des comédies dont ils ont l’habitude, ils nous embarquent avec pudeur à leurs côtés. La photo est parfaitement maitrisée, Laurent Brunet, chef opérateur avec qui Nadjari a déjà travaillé, signe une image aux contrastes très marquées et assumées.
Pourtant, une fois rentrée à la maison et devant mon frigo, je me rends compte que ce qui fait la force de Nadjari, c’est justement ces raccourcis qui m’ont tant dérangés pendant toute la séance et le film est tellement singulier qu’il mérite d’être vu : quand dans la vie tu as un problème, une impasse, tu ressasses, tu ressasses et bien parfois il t’arrive de voir, et puis tu saisis, tu comprends et tu agis. Pas besoin de le tirer, le démontrer, le sur-raconter… ça arrive, un point c’est tout.