Les enfants cachés en France, le livre de Nathalie Zadje
A l’approche de Yom HaShoah, je publie ici une note de lecture d’Esther Orner sur le livre de Nathalie Zadje, aux éditions Odile Jacob, Les enfants cachés en France
Lorsque j’ai reçu ce livre paru en 2012, je me suis dit que j’allais juste lire l’introduction car il me fallait d’abord achever d’autres lectures en cours.
C’était un Shabbat. Avant la fin du jour, j’avais avalé ce livre qui parle de ma génération.
Je l’ai lu avec beaucoup d’émotion. Il y a quelques célébrités tels Saul Friedlander, Boris Cyrulnik, Gluksman et d’autres, mais aussi des Enfants qui tenant à leur anonymat sont dotés de prénoms de rechange. Nathalie Zadje affirme : « Les enfants cachés se ressemblent entre eux, tout en ne ressemblant à personne » (page 44). Effectivement les histoires sont variées tout en racontant une même histoire. Je n’ai jamais été autant La Lectrice de Soi qu’en lisant ce livre qui n’est pas un essai de plus sur le sujet. Il est construit d’une manière originale autour de titres, de chapitres et de sous-titres qui montrent la variété des situations. Le tout s’enchainant dans un récit proche du roman. Zadje interprète à partir de cas et non pas le contraire. Ce n’est pas son premier livre sur le sujet. Certes elle a une conception, qu’elle vérifie avec justesse en raison de la multiplicité des circonstances et de réactions diverses souvent inattendues.
Au centre du livre il y a la question de l’identité. Comment redevenir juif après avoir été sommé de l’oublier et de se travestir en Goï, en gentil. Je me suis souvenue de la définition du Juif selon Lévinas, « Est juif celui qui se souvient qu’il est juif ». Beaucoup de ces enfants cachés trouveront leur identité en faisant leur Alyah, leur montée, en Israël, même très jeunes. Certains resteront religieux comme ils l’étaient avant, d’autres seront ou deviendront athées et certains s’éloigneront définitivement du judaïsme, jusqu’à le cacher à leur entourage. D’autres en Israël ou en France plus tard interrogeront cette époque sombre, en nourriront leurs œuvres aussi bien historiques que scientifiques, musicales ou littéraires.
A travers les témoignages que je préfère appeler des histoires, Zaïde essaie également de sauver de l’oubli ce que fut la culture yiddish. Une grande majorité de ces enfants cachés sont nés en Europe de l’Est ou alors ils étaient les premiers de leur famille à naître en France et à parler le français.
Selon Nathalie Zaïde ces enfants ont appris à se protéger, souvent séducteurs, insoumis, révoltés, grands lecteurs ils se posent des questions essentielles : « ‘Pourquoi ai-je survécu’, question naturelle qui ne renvoie à aucune interprétation, mais exige une réponse authentique : ‘Pour vivre quelle vie, suis-je resté en vie’ Pour perpétuer le nom de mon père (…) ? Pour assurer une continuité, être le maillon d’une chaîne ? Pour venger les morts ? Peut-être la question s’exprime-t-elle dans un tout autre registre, celui de la foi. (…) Quelle que soit la réponse qu’ils apportent, leur vie ne peut-être une donnée naturelle qui irait de soi, c’est une mission. » (page 35)
L’appellation Les Enfants cachés est née seulement en 1991 lors d’une conférence internationale sur le sujet. (page 10)
Et jusqu’alors qu’étions nous ? Cachés à nous mêmes? Aux autres? Nous le sommes probablement restés.
Extrait de Memories 2 – Esther Orner
Le blog de Nathalie Zadje: Le blog des Enfants cachés