Hommage à Teddy Kollek, décédé le 2 janvier 2007

Hommage à Teddy Kollek

La mort de Teddy Kollek, décédé mardi 2 janvier 2007 à l’âge de 95 ans m’a attristée, à tel point que, comme des milliers d’autres, j’ai senti la nécessité d’assister à ses funérailles. Pourquoi ? me demande mon amie de Bet-Hakerem, à deux pas du Mont Herzl, chez qui je suis allée me réchauffer juste après la cérémonie. C’est de chez elle aussi que nous étions partis pour nous poster sur la route du convoi funéraire d’Yitzhak Rabin.

Pourquoi suis-je allée aux funérailles de Teddy Kollek ? Je n’ai pas su vraiment quoi lui répondre, une impulsion, un désir d’être à Jérusalem ce jour-là. Peut-être parce que j’ai habité longtemps cette ville alors que Teddy Kollek en était le maire, que mes années Jérusalem m’ont profondément marquée. J’ai ressenti que mon histoire personnelle rencontrait l’histoire du pays.

Peut-être parce qu’il est impossible de se promener dans Jérusalem sans voir graver dans la pierre le travail de Teddy Kollek. Envie d’aller au théâtre, au Théâtre de Jérusalem, au Khan, cet ancien caravansérail reconverti en théâtre, au Centre Gérard Behar où il est possible de voir des spectacles en russe, en ladino, en anglais, tout cela existe grâce à Teddy. Vous êtes plutôt d’humeur à aller visiter un musée. Le Musée d’Israël ou le Musée de la Tour de David ? encore une initiative de Teddy. Plutôt cinéphile, alors faisons un petit tour à la Cinémathèque, encore Teddy. C’est la littérature qui vous intéresse, ne manquez pas au mois de février, la Foire du livre de Jérusalem, toujours Teddy. Une balade dans le quartier juif de la Vieille Ville, restauré par les soins de Teddy. Vous préférez le foot mais allez donc voir le match, un derby impitoyable entre Beitar et Hapoel, au Stade Teddy Kollek, bien entendu. Tout cela financé par la Fondation de Jérusalem qu’il a créée pour recueillir des fonds pour le développement de la ville. Teddy Kollek était un champion de la levée de fonds et c’est ainsi qu’il a pu devenir « le plus grand bâtisseur que Jérusalem ait connu depuis Hérode » pour reprendre l’expression d’Yitzhak Rabin, non loin duquel il est enterré dans le carré des grands hommes de la nation au Mont Herzl. Herzl dont il porte le prénom. Théodore très vite transformé en Teddy. Teddy qui comme Herzl a été éduqué à Vienne et qui a gardé toute sa vie ce charme indéfinissable des hommes de la Mitteleuropa, l’amour de la musique, de la culture, des autres.

A l’enterrement se pressaient les notables de Jérusalem, les diplomates étrangers, le Premier ministre Ehud Olmert, le vice Premier ministre Shimon Peres, pour rendre hommage à Teddy Kollek, maire de Jérusalem pendant 28 ans, de 1965 à 1993. Je me suis retrouvée par hasard aux côtés de Dudu Topaz, une célébrité locale, star des shows populaires télévisés. Les personnes le reconnaissant avaient envie de lui confier pourquoi ils étaient là ; une mère qui voulait que son fils aveugle participe à cet événement historique, une femme qui se souvenait comment grâce à l’action sociale de Teddy, elle avait pu apprendre à jouer d’un instrument bien que de famille modeste, une autre qui se rappelait qu’enfant, elle allait avec des camarades taper régulièrement à la porte du bureau du maire pour lui apporter leurs doléances et qu’il les recevait !

Pourquoi suis-je allée à l’enterrement ?

Par nostalgie. La nostalgie, c’était l’émotion dominante lors de ses funérailles, la nostalgie pour Teddy, la nostalgie pour une autre Jérusalem, la nostalgie pour la carrure de ces hommes qui ont marqué l’histoire du pays.

Le Premier ministre Olmert qui avait évincé Kollek aux élections municipales de 1993 a déclaré : « Si David Ben-Gourion a institué Jérusalem, capitale de l’Etat d’Israël en 1949, c’est bien Teddy Kollek qui l’a rendu telle par la force de la création, de la construction, de l’enthousiasme, de la diligence, de la tolérance et de l’impatience qui cohabitaient en lui »

Shimon Peres, lui aussi comme Teddy un protégé de Ben-Gourion, a affirmé : « Aujourd’hui encore, il existe des personnes qui peuvent être jeune d’esprit comme Teddy, qui peuvent agir, oser, entreprendre. Teddy n’était jamais satisfait et ne se reposait jamais sur ses lauriers. C’était sa grandeur et la leçon qu’il nous donne. La bataille n’est pas terminée, les dangers ne sont pas passés. Il avait compris cela et ne s’arrêtait jamais. Nous aussi, nous ne devons jamais nous arrêter. De la même façon que nous avons été fort avec Teddy, nous surmonterons les difficultés dans le futur aussi. »

« Teddy + Kollek = Jérusalem » titrait le Jerusalem Post du 5 janvier 2007. Teddy Kollek lui-même avait dit lors d’un de ses derniers anniversaires : « Je me porte bien et Jérusalem aussi ».

Et l’actuel maire de Jérusalem, Uri Lupolianski, a rendu un hommage à Teddy Kollek en déclarant « Teddy était Jérusalem et Jérusalem était Teddy. »

Même la chanson mythique de Naomi Shemer, Yérouchalayim shel Zahav, nous la devons à Teddy Kollek, c’est lui qui eut l’idée de commander une chanson hors-concours sur Jérusalem pour le Festival du Chant, un concours de chansons incontournable à l’époque, qui se déroulait à la fin de Yom Haatsmaout, le jour de l’Indépendance. L’idée pour un tel concours revient au début des années 1960, au département des cérémonies du Bureau du Premier ministre que présidait à l’époque…. Teddy Kollek.

Trois semaines après le Festival éclatait la guerre des Six jours et cette chanson devint l’hymne de la ville.

« …Mais venue aujourd’hui chanter pour toi
Et te tresser des louanges
Je ne suis pas à la hauteur du moindre de tes enfants
ni du dernier des poètes.

Car ton nom brûle les lèvres
Comme le baiser d’un séraphin
Si je t’oublie Jérusalem… Toi qui es toute d’or.

Jérusalem d’or, de bronze et de lumière,
Pour toutes tes chansons, ne suis-je pas un violon ? »

(Traduction de Menahem Macina)

Peut-être, suis-je allée à l’enterrement de Teddy Kollek pour ne pas oublier Jérusalem…

 

Voilà ce que j’écrivais il y a dix ans lors du décès de Teddy Kollek, maire mythique de Jérusalem. Entre temps, le destin de certaines personnes qui étaient présentes à l’enterrement a basculé : Ehud Olmert est en prison, Uri Lupolianski a été condamné, Dudu Topaz s’est suicidé et Shimon Perez nous a quittés.