Une journée consacrée à la Shoah

Dans le cadre de mon Billet de l’Invité(e) et à l’approche de Yom HaShoah, je publie ici un extrait du livre d’Esther Orner, Fin et Suite.

Gitele, je me suis souvent demandé si tu savais qu’une semaine après Pessah une journée entière était consacrée à la Shoah. Ce jour comme tous les autres commence le soir. Le soir je regarde un ou deux documentaires. Un film. Puis le matin j’écoute quelques récits de rescapés à la radio en attendant le mugissement de la sirène qui arrêtera nos pas. Et chaque année j’apprends encore et encore. Et de plus en plus c’est l’héroïsme qui me frappe. Le tien. Ceux des autres. Une femme a raconté qu’à l’entrée du camp où elle a eu « la chance » d’être sélectionnée pour le travail, il était écrit – « On n’a que ce que l’on a mérité ». Quel cynisme. Ce camp-là était au milieu d’une belle forêt – a dit la femme. Jusqu’alors on savait que « le travail rendait libre »…Et puis toujours cette beauté associée à l’impensable. A vrai dire cette année les documentaires et surtout le film je les ai enregistrés et vus les jours suivants. Et je comprends mieux pourquoi l’année du deuil on ne va pas au cinéma. Ce jour-là, je ne peux que me retirer en moi-même. Et je revois encore cet écrivain qui avait décidé d’écrire sans fioritures. Constater seulement comme un scientifique pour témoigner. J’ai pensé que volonté ou pas, le sujet lui-même exigeait cette écriture. Cette retenue. L’écrivain a encore dit qu’il fallait éviter de se plagier et donc savoir s’arrêter lorsque l’on n’avait plus rien à dire ? Et il s’arrêta d’écrire jusqu’au suicide.

Pendant des années je me promettais de transcrire ton numéro sur ton bras. Et tu es morte un Shabbat. Je t’ai retrouvée quelques jours plus tard. Tu étais cachée dans ton cercueil. Je n’ai plus pensé à ton numéro. Il a disparu avec ta mort. Et c’est bien ainsi. J’avais rencontré une peintre qui voulait que les descendants se fassent tatouer le numéro de leurs proches. Peux-tu imaginer une telle folie ? Une vilaine folie. Une folie furieuse.

©Esther Orner