Oui aux drapeaux qui claquent à Auschwitz
Lazard Perez est le père de mon amie Joëlle. Je le respecte et je l’aime énormément. Il a écrit ce texte qui m’a beaucoup touchée. J’avais envie de le partager avec vous.
Réponse à l’éditorial de Nicolas Zomerstajn paru dans le dernier numéro de REGARDS sous le titre « Non aux drapeaux qui claquent à Auschwitz. »
Oui aux drapeaux qui claquent à Auschwitz
Il est étrange que ceux-là même qui critiquent des visites occasionnelles de jeunes juifs arborant le drapeau israélien à Auschwitz ne disent mot de la présence, par contre permanente depuis juillet 1988, c’est-à-dire depuis plus de vingt ans, d’une croix monumentale sur le site d’Auschwitz.
Il est étrange que ceux-là même qui, avec superbe, déclarent qu’il s’agit en l’occurrence « d’un élan de nationalisme qui porte atteinte à la signification même de ce site » ignorent la réalité de ce qui se passe en ce moment à la direction du musée d’Auschwitz.
Monsieur CYWINSKI, qui a succédé à Monsieur WROBLESKI, atteint par la limite d’âge, est un catholique intégriste convaincu, doublé d’une orientation nationaliste polonaise bien définie. Auschwitz est en Pologne, et la Pologne se doit d’honorer en priorité ses martyrs polonais.
Les tenants d’une orientation dissolvante connaissent-ils la réalité d’aujourd’hui à Auschwitz ? Et celle de l’histoire d’Israël ?
En 1948, j’ai rejoint l’armée d’Israël lors de la Guerre d’Indépendance. Versé dans une unité de jeunes « Sabras » issus du Palmach, je fus accueilli avec une certaine sympathie à laquelle était assortie, d’une manière inattendue pour moi, une méfiance certaine. Parce que je représentais pour eux un membre du Judaïsme de la Galouth qu’ils rejetaient avec force :celui qui, selon leurs dires, s’était laissé conduire à l’abattoir sans réagir …
J’étais trop jeune, à seize ans et demi, pour argumenter sur ce sujet. D’autant plus que j’appréciais mes nouveaux camarades. Dans les conditions extrêmement précaires dans lesquelles nous nous trouvions, j’estimais qu’il valait mieux en effet, pour conserver le moral indispensable, se croire être des supermen pour qui tout est possible.
Oui, n’en déplaise à certains, nous avons fait preuve à cette époque de nationalisme. Nous le revendiquons. Tout comme Moïse en son temps. Et ce n’est pas sans raison que nous, les combattants de 1948, croyons avoir été quelque peu les Moïse de notre époque pour avoir eu l’incroyable privilège de sortir notre peuple de deux mille ans de servitude.
Appelé par le Gouvernement belge à attribuer les subsides qu’il avait accordé au Musée d’Auschwitz, à l’instar d’autres pays européens, le comité « Sauvegarde d’Auschwitz » m’avait chargé de contrôler sur place les chantiers de rénovation de bâtiments et baraquements entrepris avec les fonds mis à la disposition du Musée.. A raison de quatre fois par an, conformément aux clauses de l’Arrêté Royal régissant notre a.s.b.l. Et ce, pendant une douzaine d’années. Je pense être de ceux qui, parmi les représentants de notre communauté, se sont rendus le plus souvent à Auschwitz et en connaître bien tous les arcanes. Mais quel que soit le nombre de présences à Auschwitz, le même sentiment de désespérance, de dépression est toujours ressenti. Il n’a pu être contrebalancé pour moi que par la rencontre occasionnelle, au détour d’une allée, d’un groupe de jeunes israéliens arborant le Maguen David.
Quel bonheur ! Quelle merveilleuse réponse à l’entreprise d’extermination nazie ! Au-delà des discours, au-delà des écrits, au-delà des reportages, c’est la seule, je dis bien la seule réponse réellement significative. Surtout qu’elle se double du revirement total de la jeunesse israélienne dans sa perception de la Shoah par rapport avec celle que j’avais connue en 1948.
Aussi, marquant un temps d’arrêt dans mes préoccupations « professionnelles » sur le terrain, à Auschwitz, je m’isole à l’écart dans l’allée, je regarde passer le groupe de jeunes et leurs drapeaux. Je savoure ce moment précieux et, je l’avoue, les larmes me montent aux yeux …
Oui aux drapeaux qui claquent à Auschwitz. Et que Dieu fasse que cela puisse perdurer éternellement.
Lazard PEREZ.
Coprésident du Comité « Sauvegarde d’Auschwitz ».
Esther
Mai 18, 2009 @ 10:02:25
Merci Rachel de partager avec nous ce texte qui me touche tout particulièrement.
rachelsamoul
Mai 18, 2009 @ 11:31:21
Tu viens d’écrire le trois-centième commentaire de ce blog!!!
Merci
Esther
Mai 20, 2009 @ 09:54:47
Kef Li.
Rose-Marie FRANçOIS
Juin 01, 2009 @ 15:44:07
Ce thème est abordé dans mon roman L’Aubaine, qui vient de sortir (avril 2009) chez Luc Pire, collect. du Grand Miroir. Lucienne Strivay (Gallimard, Les enfants sauvages) a dit que mon livre était un moyen idéal pour faire comprendre notre Histoire de l’Europe, à travers la saga (160 p.) d’une famille franco-allemande au XXième siècle. Le récit commence en Alsace… Miriam.
Rose-Marie FRANçOIS
Juin 01, 2009 @ 15:46:58
Ce thème est abordé dans mon roman L’Aubaine, qui vient de sortir (avril 2009) chez Luc Pire, collect. du Grand Miroir. Lucienne Strivay (Gallimard, Les enfants sauvages) a dit que mon livre était un moyen idéal pour faire comprendre notre Histoire de l’Europe, à travers la saga (160 p.) d’une famille franco-allemande au XXième siècle. Le récit commence en Alsace… Miriam.
helene
Juin 01, 2009 @ 15:47:48
ce texte de Lazard Perez m’emeut et correspond bien à ce que je pense d’autant plus que la croix reste bien là, le danger etant dans ce pays de
catholiscisme integriste antisemite d’effacer dans un avenir, pas immediat d’accord,l’appartenance des victimes de ce lieu de memoire, de desespoir