Petit Verdot made in Israël

Nous retrouvons avec grand plaisir le Docteur Alain Horowitz pour un billet sur le Petit Verdot israélien.

S’il est un cépage oublié ou en mal de reconnaissance en France, c’est bien le Petit Verdot. A quelques exceptions près, il n’y pas de vins de monocépage de Petit Verdot dans l’Hexagone. 

A l’étranger, on trouve ces dernières années des mono-cépages de Petit Verdot en Toscane, en Sicile ainsi qu’en Espagne et au Portugal. Et dans le Nouveau monde, en Californie, en Argentine et en Australie.

La raison de cet oubli français est que cet enfant terrible des vignes est difficile à planter, à cultiver et à vendanger, “il pousse dans tous les sens”, souffre du froid et de l’humidité excessive. Il ne mûrit pas tous les ans, on pourrait dire que seul deux récoltes sur dix sont bonnes. Mais la principale raison tient à sa vendange très tardive, son raisin restant longtemps vert. D’où son nom, Verdot, vert car pas encore mûr. Ou encore verdaud, son nom d’origine, il y a deux ou trois cent ans. Car ce cépage est ancien, et aurait précédé tous les Cabernet et Merlot actuels. Originaire des Pyrénées, du Béarn et du Pays Basque, il a naturellement été adopté dans le Médoc voisin. 

 

Difficile à cultiver donc, mais résistant à la pourriture grise, il a donc été utilisé dans le Bordelais comme cépage d’appoint que les viticulteurs rajoutent en faible pourcentage au Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc, Merlot et autres cépages agréés dans le Bordelais. Car il apporte au vin une couleur intense, ainsi qu’un surplus de tanins. Il ajoute une puissance aromatique très caractéristique de violette, avec des touches d’épices, de réglisse. Et il apporte une acidité qui équilibre bien les sucres et l’alcool.A titre d’exemple, il n’y a pas un seul vin rouge du Château Lafite Rothschild sans Petit Verdot.

Quelle ne fut donc pas ma surprise de trouver en offre spéciale de la semaine chez un de mes négociants en vins favoris en Israël, le Petit Verdot Israélien de Recanati. Un vin à tel point nouveau qu’il ne figure même pas encore sur le website de la cave. La cave Recanati est en passe de devenir une des caves majeures en Israel. Une famille d’origine italienne. Les vignobles de Recanati sont dirigés par Mayan Hai.

Mayan Haï qui dirige la cave Recanati

Et, dans le verre, une belle surprise. A commencer par la couleur, d’un violet inhabituellement sombre et intense.

Le nez m’a également surpris par la touche épicée ainsi que le parfum de violettes. En bouche, le palais se regorge d’effluves de réglisse… et donc de souvenirs d`enfance. Les tanins sont présents, mais déjà relativement doux et arrondis puisqu`il s`agit du millésime 2017. Surprenante aussi la très appréciable longueur en bouche. Et le tout pour un prix modique pour un vin israélien, 50 à 55 shekel (14 euros). Les vins de Recanati sont cachers.

Passée ma première surprise, il s’avère que ce Petit Verdot n’est pas une exception et que le cépage s’acclimate extrêmement bien en Israël, que ce soit en Galilée comme pour Recanati ou pour Barkan, ou sur les collines de Judée comme pour l’excellente cave de Teperberg, ou carrément dans le désert du Néguev.

Le soleil intense permet une vendange plus précoce qu’en France Métropolitaine, et il n’y a point à craindre de brumes matinales ou de gelées nocturnes que ce cépage déteste. Le Petit Verdot made in Israel est un raisin au mieux de sa forme.

Goûtons donc le Petit Verdot de Yarden, sur le plateau du Golan, la troisième cave Israélienne en chiffre de ventes après Carmel Mizrahi et Barkan, et celle qui a révolutionné le vin israélien dans les années 80 en le dépoussiérant de son auréole de vins de kiddoush. Ce vin est certes nettement plus onéreux à l’achat, 100 à 130 shekels (26 à 34 euros), ce qui en fait un vin pour occasions particulières. Vieilli en fûts de chêne pendant 18 mois, il est intense, riche en arômes épicés, y compris de girofle, un tantinet fumé, avec un rien de zeste d’agrumes. Mais la palme des Petits Verdot de Terre Sainte revient sans aucun doute à une cave boutique, Ramat Negev, qui a été fondée un peu avant l’an 2000 dans le moshav (village agricole) de Kadesh Barnéa, en plein désert. Le lieu de Kadesh Barnéa est mentionné dans la Bible puisque les Hébreux conduits par Moïse ont campé dans cette oasis au cours de l’Exode.

Curieusement, lorsque le moshav a été fondé en 1977 le Ministère de l’Intérieur Israélien a refusé le nom de Kadesh Barnéa au village, qui figure sur la carte sous le nom de Nitzanei Sinai, car il se trouve à moins d’un kilomètre du passage de frontière Nitzana entre Israël et l’Egypte. Au milieu des sables du Néguev donc. Mais pour les gens du coin, cela reste Kadesh Barnéa. Moins de 300 habitants, peu de personnes âgées, certains travaillent au poste frontière ou à la station d’essence et l’aire de repos adjacente, mais la plupart sont agriculteurs : tomates, fraises, épices et condiments, et il y a également des apiculteurs. Et puis surtout, la cave de Ramat Negev, le “plateau du Néguev”. Les vignes de ce domaine sont situées sur la piste des vins antiques des Nabatéens, et forment désormais une étape sur la route des vins du désert israélien, circuit recommandé par le guide touristique Lonelyplanet. Improbable lieu pour vendanger ses raisins, et encore plus le Petit Verdot. Mais les vignes sont faites pour résister au soleil.      

 Et les résultats sont parlants. La famille Tzadok qui a fondé la cave de Ramat Negev un peu avant 2000 a étudié la viniculture en Toscane. La cave produit déjà plus de 80 000 bouteilles par an, la plupart exportées vers les Etats-Unis. Et notre Petit Verdot s’est franchement bien adapté aux rigueurs du terroir et au climat du désert.

Le Petit Verdot de Ramat Negev de 2017 est un vin bien arrivé à maturité, charpenté, avec une palette d`arômes d’épices, de fleurs, d’herbes sèches, de tabac, de fumé. En bouche une légère et bienvenue acidité tempère les sucres et le fruit bien présent. Après les nuances complexes du nez et de la bouche, reste une longueur au parfait équilibre entre douceur et épices. Sans aucun doute les conditions climatiques extrêmes et le sol désertique ont permis de dévoiler des subtilités inédites de ce cépage. Le prix de la bouteille est de 120 à 130 shekels.

Sans devoir faire la longue et très belle route menant au passage frontière avec l’Egypte et le Sinaï à Nitzana, on peut déguster les vins de Ramat Negev à Tel Aviv, par exemple dans le très sympathique bar à vins Wineberry du quartier de Florentine, accompagnés de quelques olives ou d’un petit plateau de fromages. 

 Les vins de Ramat Negev sont cachers. Ils sont en vente, outre chez Wineberry, dans les succursales de Derech Hayain-Wineroute, ainsi qu’au Winehouse de Natanya, à la fromagerie Basher au Grand Canyon de Haifa, chez Noble Zine à Nes Tziona, chez Hamesameah à Jerusalem etc…

Lehaim !

Anastasiia du Wineberry à Tel Aviv

©Dr Alain Horowitz