La Promesse de l’aube, Romain Gary

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Une note de lecture d’Esther Orner 

La promesse de l’aube, Romain Gary, 1960 

A la suite de ma lecture du dossier sur Romain Gary dans le Magazine Littéraire de Mars 2017 et le livre de Myriam Anissimov Les Yeux bordés de reconnaissance, j’ai eu envie de me replonger dans La promesse de l’aube. Mes souvenirs étaient vagues. Une mère fantasque avec des ambitions auxquels Gary n’échappera pas. Devenir un grand écrivain français et ambassadeur pour représenter la France. Il accomplira les souhaits ou plutôt les exigences de sa mère qui après un amour déçu, une vocation artistique de grande comédienne qu’elle ne fut pas, a tout investi dans son fils. Il ne manqua jamais de rien, même dans des époques de grande pauvreté. C’était une grande débrouillarde. Elle n’avait pas froid aux yeux.

Avec son accent russe ou peut-être polonais car après tout Romain Gary n’était pas russe et elle je ne sais plus.

Romain Gary, pseudonyme de Romain Kacew, est né en 1914 à Vilna alors la Pologne aujourd’hui la Lituanie. Il a la quarantaine quand il écrit ce livre, publié en 1960, avec tout le recul nécessaire pour parler de sa mère, de la guerre 40-45. Il sera pilote de guerre, rejoindra De Gaulle à Londres et sera Gaulliste jusqu’à la fin de ses jours, une des raisons données pour expliquer que les intellectuels d’après guerre ne le comptaient pas parmi les leurs. Et surtout la mode était au nouveau roman. Il eut un vrai succès populaire. Et avec la distance nécessaire aucun doute qu’il fut Le grand écrivain qui comme Henri Raczymov signale ce terme dans son livre Ruse et déni en parlant de Maurice Sachs qui aura tout fait pour ne pas l’être.  Cette notion, aussi, est passée de mode. Elle ne s’appliquait pas bien sûr aux femmes-écrivains de tous les temps. Ceux qui disaient que Romain Gary n’avait pas de style se sont parfaitement trompés. Il avait du style, des styles différents et surtout quoi dire. Et nous revenons toujours au même débat – le fond ou la forme ? Les deux, mon général. Il a réfléchi autant que ses contemporains sur l’écriture. Il fut double, multiple. Emile Ajar et deux prix Goncourt. Toujours pas dans la Pléiade.

Mina Kacew est-elle le portrait d’une mère juive ou sa caricature ? Elle n’a rien transmis du judaïsme. Sa foi allait vers l’orthodoxie russe surtout pour son côté théâtral sans pour autant renier ses origines. Tout ce qu’elle voulait pour son fils c’est qu’il soit parfaitement intégré à la France. Elle avait cet amour pour la France comme les Juifs de l’Est. Combien ont quitté la Pologne et la Russie pour trouver une vie égalitaire, un refuge contre l’antisémitisme. Lui et sa mère ont vécu à Nice.

Romain Gary déjà célèbre et vivant à Paris apprendra beaucoup plus tard le destin de son père, rencontré quelque fois, second mari de sa mère resté en Pologne avec sa seconde femme et ses enfants.  Il  savait qu’ils furent assassinés  « parce que Juifs »  mais une lettre en 1956 lui apprend que son père n’est pas arrivé à la chambre à gaz. Il est mort de peur sur le chemin.

Gary est sous le choc « L’homme qui est mort ainsi était pour moi un étranger, mais ce jour là, il devint mon père à tout jamais »

Non elle n’est ni une mère juive, ni sa caricature. Elle l’aimait intensément et l’admirait trop. Personne d’autre dans sa vie arrivera à ce degré là. « Avec l’amour maternel la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé  de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. »

Gary se consolait avec des concombres au sel ! Il ne les appelait pas cornichons qui au fait étaient des cornichons à la Russe. Il en mangeait beaucoup.

Ce dont je me souvenais c’était les trois cents lettres écrites par sa mère avant de mourir. Durant trois ans et demi il les recevait via la Suisse. (En fait plus de 250 lettres) Il ne comprenait pas toujours pourquoi elle ne réagissait pas par exemple à la publication en Angleterre de l’Education européenne. Elle sut ce que fut l’armistice et tenait à ce que son fils soit contre la défaite. Elle savait qu’il avait besoin d’encouragements, d’ici ce courrier écrit quand elle sut qu’elle allait mourir. Elle ne connut pas la Shoah. Et je pense qu’il est inutile d’imaginer que serait devenu son amour pour la France. Elle aurait été fière de la France résistante, même minoritaire, et surtout de son fils.

Esther Orner,

Texte inédit – Memories 3 ou Mémoires d’une paresseuse.

L’adaptation du roman de Romain Gary, La promesse de l’aube, sortira sur les écrans fin décembre 2017 avec Pierre Niney dans le rôle de Romain Gary et Charlotte Gainsbourg dans celui de sa mère.

Réalisateur : Eric Barbier 

     
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