Esther, cantate biblique d’Elisabeth Jacquet de la Guerre

Elisabeth Jacquet de La Guerre (1) est une compositrice contemporaine de Louis XIV. Elle a été l’une de premières à composer des cantates en France et notamment des cantates à sujets bibliques, des cantates spirituelles comme Esther, Jacob et Rachel, Judith.

Voici « Esther » sur un texte d’Antoine Houdar de La Motte (1672-1731), écrivain et dramaturge célèbre de l’époque.

 

Par la souveraine Sagesse
Esther fut amenéE au trône des Persans ;
Seule, par les charmes puissants
Du cœur d’Affuerus elle avait la tendresse :
Mais que lui sert l’éclat d’un si haut rang,
Dans ce moment fatal quel danger la menace ?
Elle apprend que les Juifs on a proscrit la race,
Et le fer dans dix jours doit verser tout leur sang.

Ah ! Quelle affreuse image
Se traçe à ses esprits ?
Que de pleurs ! Que de cris !
Quel horrible carnage !

Le barbare courroux
Opprime l’innocence ;
La vieillesse & l’enfance
Expirent tous ses coups :
Ciel ! Prenez leur défense,
Les abandonnez-vous ?

De votre Époux, Esther, il faut chercher l’appuy.
Mais vous tremblez ?
Du téméraire, qui sans son ordre ose approcher de lui ?
De trépas est le prompt salaire.

Eh, quoi n’osez-vous faire un généreux effort ?
C’en est fait. Elle part, & le Ciel la rassure.
En vain de sa vertu se trouble la Nature,
Elle va pour les Juifs s’exposer à la mort.

Elle approche à l’aspect du trône redoutable
Elle tombe, & d’effroy son cœur se sent glacer;
Mais son Époux touché du trouble qui l’accable,
Lui fait grace, & vient l’embrasser.

Venez, bannissez ces allarmes,
Et ranimez-vous à ma voix :
Esther, vos vertus & vos charmes
Vous ont mise au dessus des Loix.

Écoutez mon cœur qui soupire,
Partagez-en la vive ardeur,
De la moitié de mon Empire,
Je voudrais payer ce bonheur.

Ainsi devant son maître, Esther a trouvé sa grace,
La fortune des Juifs bientôt change de face,
Et le perfide Aman de leur sang altéré
Éprouve avec la mort qui punit son audace
L’affront qu’à l’Innocent il avait préparé.

Souvent la vérité divine
Du trône n’ose s’approcher ;
Si vous voulez qu’elle vous guide
Roys, c’est à vous de la chercher ;
Chassez le mensonge perfide,
Qui l’oblige de se cacher.

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Voir aussi : Élisabeth Jacquet de La Guerre, Le passage de la mer Rouge