Alerte rouge sur Israël

Voilà c’est reparti comme en 14. Comme en 2014. Alors j’avais écrit un journal : La vie quotidienne sous les missiles.

Mais là j’ai du mal à écrire. Pour écrire, il faut être capable de se concentrer, de fixer son attention, de prendre du recul. Et là on est tellement dans l’instant, les événements s’enchaînant à une allure folle et créant une impression de chaos.

Je vais tout de même essayer, surtout pour mes lecteurs de l’étranger car je sais que vous êtes en quête de savoir ce qui se passe dans notre quotidien.

Un peu avant 21 heures, mardi soir, les sirènes retentissaient sur Tel Aviv. Nous allons donc nous réfugier dans notre cage d’escaliers en descendant deux étages.

Petite explication pratique :

Dans les bâtiments suffisamment neufs, les appartements ont des mamad, une chambre-abri avec une porte et une fenêtre blindées. C’est pratique, on peut s’y installer et y dormir et ne pas devoir se réveiller et surtout ne pas réveiller les enfants.

Dans certains bâtiments, il y a des abris en sous-sol. C’est le cas chez nous mais depuis des années, cet abri s’est transformé en remise et est impraticable. On va essayer de le remettre en état le plus vite possible.

Il y a aussi des abris publics, un peu partout dans la ville.

Si on est en voiture ou dans un bus pendant une alerte, il faut absolument sortir des véhicules et trouver un abri et si il n’y en a pas, s’allonger sur le sol, sur le ventre, les bras repliés sur la tête pour la protéger.

Revenons à la nuit du 11 mai. Nous voilà donc Charles et moi dans notre cage d’escaliers avec les voisins, et des explosions à n’en plus finir. Après 10 minutes, on remonte à la maison. Un peu plus tard, nouvelle alerte, on  redescend, on remonte. De même à 3 heures du matin. Comment réussir à s’endormir dans ces conditions ? Et je dois dire qu’à Tel Aviv, c’est rien du tout par rapport à ce que vivent les habitants du Sud du pays.

Hier soir, nouveau réveil à 1 heure du mat et une nouvelle fois, un peu plus tard. C’est fou mais j’ai déjà mieux dormi. Le pouvoir d’adaptation des humains est assez phénoménal.

Aujourd’hui, je suis allée garder mon petit-fils car bien sûr plus de jardin d’enfants ni d’école. On a même osé sortir de la maison et on a mangé une excellente crêpe à la Crêperie bretonne sur Ibn Gvirol. Sarah, David et Anaël sont venus nous rejoindre. Et finalement, on s’est tous retrouvés chez mon fils et ma belle-fille Dan et Danit. On était bien tous ensemble quand vers 14h30, alerte en plein jour. On s’est retrouvé dans la chambre forte.

Et puis il a fallu rentrer à la maison. Et nous voilà face à de grandes décisions. Attendre un peu ou partir tout de suite. Quel chemin prendre ? Après quelques minutes d’hésitation, on décide d’y aller. On marche dans les rues de Tel Aviv non pas en s’extasiant devant l’architecture des maisons Bauhaus ou la beauté de certains arbres mais en repérant où on pourrait se réfugier si il y a une nouvelle alerte. C’est le moment de demander de laisser les portes d’entrée des bâtiments ouvertes.

Ouf, nous voilà à la maison. Exténuées comme si on avait fait le parcours du combattant. Non ce n’est pas une vie, ni pour nous, ni pour eux. Le poème de Jacques Prévert me revient en mémoire : Oh Barbara, quelle connerie la guerre.

Déjà beaucoup de victimes et notamment Ido Avigal ce petit garçon de 6 ans à Sderot.

Et je n’ai pas dit un mot sur ce qui se passe à l’intérieur, à Jérusalem, à Lod, à Acco, à Bat-Yam. Peut-être j’en parlerai demain si je réussis à dormir, si je réussis à écrire.

©Rachel Samoul