Une maison sur l’eau, un premier roman d’Emuna Elon

Nous retrouvons avec grand plaisir mon amie Agnès Bensimon qui a lu « Une maison sur l’eau » d’Emuna Elon

UNE MAISON SUR L’EAU

Le premier roman d’Emuna ELON paru en français chez Albin-Michel dans une traduction de Katherine WERCHOWSKI met en scène l’histoire de Yoël BLUM, un écrivain israélien de renommée internationale, qui se rend à Amsterdam afin de rencontrer ses lecteurs, à la demande insistante de son agent.

En effet, Yoël Blum s’est toujours refusé à voyager aux Pays-Bas, obéissant à l’injonction de sa mère de ne jamais retourner à Amsterdam la ville où il est né pendant la guerre et qu’il a fuie avec sa sœur aînée et sa mère, échappant de justesse à la déportation.

A contre-coeur il enfreint l’interdit, en limitant au plus près la durée de son séjour.

Sa femme l’accompagne et les rares moments de tourisme que le couple s’octroie les mènent à visiter le Musée historique Juif d’Amsterdam.

Des images d’archives défilent sur un écran, une scène de mariage retient l’attention de l’écrivain. On y voit une famille composée d’un jeune homme et d’une jeune femme, chacun tenant un petit enfant. Le père porte sa fille, la mère un garçonnet. Yoël réalise que la fillette est sa propre sœur, la femme est incontestablement sa mère, l’homme est certainement son père dont il n’a aucun souvenir. Par contre, il ne se reconnaît pas du tout dans le petit garçon que sa mère tient dans les bras.

Yoël Blum est à ce point troublé qu’à son retour en Israël il se confronte à sa sœur et l’oblige à lui révéler la vérité sur le passé.

De cet aveu le lecteur est tenu écarté. C’est là toute la force du roman d’Emuna ELON, qui nous entraîne à la suite de l’écrivain dans la recherche de ses origines – recherche qu’il a attendu à son insu, toute sa vie.

Elle renvoie le protagoniste à Amsterdam. Yoël s’installe dans un hôtel miteux, à deux pas de l’hôpital juif où il est né et commence à accumuler des notes dans des petits cahiers pour un roman par le biais duquel il va tenter de donner du sens au passé.

Cette histoire dans l’histoire retrace celle de la jeune Sonia Blum, âgée d’une vingtaine d’années, et de ses deux enfants, Néti et Léo, pris au piège de l’inexorable étau de persécution mis en place dès 1941, contre toute la population juive d’Amsterdam.

Pour écrire ce roman, Emuna Elon s’est imprégnée de la ville et de son histoire. Elle a séjourné dans ce même hôtel, arpenté les rues habitées alors par les Juifs pour ressentir au plus près les conditions de survie de la communauté.

Une maison sur l’eau est un roman très visuel, qui se déroule sur un rythme lent, suivant le fil du temps que la mémoire du protagoniste remonte. L’auteur rend un hommage poignant aux Juifs d’Amsterdam pendant les heures sombres de l’histoire. Sans concessions pour les dirigeants du Judenrat de la ville, et en hommage à la résistance qui a réussi à trouver des caches pour des enfants juifs.

Habilement, le présent et le passé se côtoient dans le récit, nous laissant percevoir la douleur constante qui filtre entre la beauté paisible de la ville contemporaine et la remontée des horreurs de la guerre. Apparaît la blessure profonde du narrateur, Yoël Blum, habité au plus intime par un éternel sentiment d’étrangeté, de non appartenance qui définit sa relation aux êtres aimés qui l’entourent. Jusqu’à la conclusion bouleversante du roman. Ce chaos originel est à la source de la création littéraire de Yoël Blum. De toute création, littéraire ou autre, nous dit en filigrane Emuna Elon.

Avec Une maison sur l’eau, elle signe un roman très fort sur l’identité, les origines, le voyage dans le temps et la mémoire.

Issue d’une famille très orthodoxe, veuve du rabbin Benyamin Elon, ancien député de la Knesset, mère de six enfants, dont l’un d’entre eux, Ori Elon, est le co-scénariste de la célébrissime série SHTISEL, Emuna Elon est une combattante féministe au sein de l’orthodoxie.

Et bien sûr un formidable écrivain.

©Agnès Bensimon

 

Pour écouter Agnès Bensimon, au micro d’Emmanuelle Adda sur Kan 11 en partenariat avec RCJ