Tel Aviv décrite dans la Tour d’Ezra d’Arthur Koestler
Quand nous avons vidé l’appartement de Mimi, que son souvenir soit source de bénédiction, j’ai récupéré des livres. La tour d’Ezra d’Arthur Koestler que je ne connaissais pas et que j’ai lu avec grand plaisir. D’ailleurs, je vous recommande un petit livre indispensable si vous devez malheureusement vous livrer à ce genre d’exercices : Comment j’ai vidé la maison de mes parents de Lydia Flem.
Arthur Koestler (5 « La Tour d’Ezra » en 1946 mais l’action se déroule de 1937 à 1939 et décrit les débuts d’un kibboutz. J’y ai relevé cette description de Tel Aviv !
Quand Joseph venait à Tel Aviv, il était toujours déchiré par des sentiments contraires : tendresse et répulsion. Tendresse pour la seule ville uniquement juive du monde, portant ce nom lyrique de « Colline du Printemps », trépidante de la vitalité de ses cent mille habitants, répulsion pour l’affreuse pagaille architecturale qui y régnait. C’était une ville frénétique, touchante, affolante, qui saisissait le voyageur par le revers de son veston dès qu’il y pénétrait, qui le tirait, l’entraînait comme un tourbillon, et le laissait, au bout de quelques jours, exténué, hésitant entre l’amour et la haine, le rire et le mépris.
Il y avait moins d’une génération que quelques Juifs des familles indigènes de la ville arabe de Jaffa avaient décidé de se construire un faubourg réservé à leur habitation, selon ce qu’ils imaginaient être le genre moderne européen. Abandonnant la fourmilière du port arabe avec le labyrinthe de ces bazars, ses odeurs exotiques et ses poignards furtifs, ils se mirent à bâtir sur le sable jaune des dunes méditerranéennes la cité de leurs rêves, c’est à dire une fidèle copie des faubourgs-ghettos deVarsovie, Cracovie ou Lodz. La rue principale, portant le nom du docteur Herzl, était bordée de maisons d’une laideur parfaite. Elles ressemblaient toutes à un orphelinat ou à une caserne de gendarmerie et l’enduit de stuc rose, vert ou jaune citron dont elles étaient recouvertes pour satisfaire aux besoins esthétiques, leur donnait l’air, après les premières pluies, d’être atteintes de rougeole ou de petite vérole. Il y avait aussi une multitude de boutiques sombres où l’on vendait de la limonade, des boutons et du papier à mouches.
Au début de la décennie 1920-1930, au commencement de la colonisation sioniste, la ville s’étendit avec une vitesse croissante, le long de la plage. Elle s’agrandissait par bonds frénétiques suivant chaque nouvelle vague d’immigrants, une marée d’asphalte et de ciment s’avançant sur les dunes.
©Arthur Koestler
Et aussi Tel Aviv en 1934 :