La terreur au quotidien
J’aurais préféré comme d’habitude vous parler de musique, de littérature ou de cinéma mais vu la situation en Israël, je ne peux que vous parler des dizaines d’attaques au couteau, des jets de pierre, de voiture-bélier et de coups de feu ; de Nahama et d’Eitam Henkin, abattus alors que leurs quatre enfants étaient sur le siège arrière de leur voiture, des 99 blessés, des 7 morts. Peut-être que ce chiffre n’est déjà plus exact.
Je ne peux que vous parler du fait que nous avons réactivé notre cellule de crise familiale sur Whatsapp où chacun, après une attaque, confirme qu’il va bien ; que nous allons prendre des cours de self-défense, de Krav Maga ; qu’Anaël ma fille de 17 ans, me dit Maman, ce n’est quand même pas normal qu’à la sortie de l’école, la première chose que je fasse, c’est retirer de mon sac mon spray de gaz poivré pour le mettre dans ma poche ; que marcher dans la rue, prendre le bus, que chaque acte du quotidien devient un défi ; qu’il vaut mieux d’ailleurs attendre le bus dos au mur, ne pas marcher en regardant son téléphone mais être vigilant, et si cela arrive, ne pas retirer le couteau de la blessure.
Je ne peux que vous parler de l’angoisse des mères : envoyer les enfants à l’école, les accompagner, ne pas les laisser seuls ; de la perte de la confiance, comme les gens se dévisagent dans la rue, comme je ne supporte plus de sentir quelqu’un qui marche derrière moi ; du désarroi de chacun ; des actes d’héroïsme des civils qui se portent au secours des victimes.
Je ne peux que vous parler de l’horreur d’un enfant de 13 ans qui va poignarder un autre enfant de 13 ans ; des appels à la haine ; de la violence ici et partout ; des images sanglantes qui défilent sur le fil d’actualité de ma page Facebook.
Je ne peux que vous parler du maire de Nazareth Ali Saman qui s’en prend en direct sur la Deuxième chaine israélienne à un député arabe de la Knesset et qui l’accuse d’endommager et de pervertir les relations arabes et juives dans le pays ; d’Ahmed Eid, le chef du département de chirurgie de l’hôpital Hadassah Ein Kerem qui soigne les victimes et les terroristes ; de la résilience des Israéliens. Seulement quatorze mois sont passés depuis les traumatismes de l’été dernier mais Israël a oublié ou fait semblant pour pouvoir continuer à vivre et à construire.
Pourtant, j’aurai vraiment préféré vous parler de la visite à Jérusalem de Buzz Aldrin, l’un des astronautes qui a marché sur la lune, de l’accord entre la Nasa et l’office spatial israélien, de l’amie de mon fils Dan, la styliste israélienne Danit Peleg qui imprime ses vêtements en 3D et qui est passée dans le FablifeShow de Tyra Banks à la télévision américaine, de deux jeunes surfeuses Anat et Noa Lelior qui participent à des compétitions internationales bien que les vagues à Tel Aviv ne soient pas toujours à la hauteur, du chanteur américain Matisyahou qui a fait salle comble à Jérusalem et de tous les petits plaisirs de la vie en Israël.
Et demain, sans doute, je vous parlerai de tout ça et du Festival du piano à Tel Aviv, d’une mosaïque à Kyriat Gat, de la beauté de Jérusalem. Demain, je serai plus combattive. Demain, je serai à nouveau optimiste.
Mais aujourd’hui, je n’ai que l’envie de pleurer.