En marchant, en écrivant : La rue Ben Yehouda
C’est le chemin que je prends presque chaque jour pour me rendre au travail, au Palais des Thés. La routine faisant souvent écran à l’observation, je m’oblige à marcher avec un regard neuf. Je commence la promenade là où se trouvait l’un des centres névralgiques de Tel Aviv, là où la rue Allenby se tord pour se jeter dans la mer, là où commence la rue Ben Yehouda, parallèle à la mer et orientée Nord-Sud, d’après le plan Geddes, là où se trouvait le coeur de la vie culturelle et sociale de la ville, entre deux cinémas, le Mughrabi et le Migdalor. Le Mughrabi portait le nom d’un homme d’affaires originaire de Damas qui, répondant à l’appel du maire Méir Dizengoff, avait financé la construction d’un cinéma avec un toit ouvrant pour s’aérer l’été et d’une salle de spectacles de mille personnes où de nombreuses troupes de théâtre se sont produites. Le bâtiment, inauguré en 1930, avait été imaginé par l’architecte Joseph Berlin, il était donc en briques de silicate, et avait une allure franchement Art Déco. Il a été détruit par un incendie en 1986. Surprenant, je n’en ai aucun souvenir. A la place aujourd’hui, un parking incongru et des projets sans cesse reportés de construction d’un bâtiment dont la façade serait un hommage à celle du cinéma disparu.
En face, le Migdalor, phare en hébreu. C’est aujourd’hui un monstrueux bâtiment de bureaux de 1964 qui abritent des consulats, le français et le russe par exemple, construit sur les ruines du premier cinéma de Tel Aviv à avoir l’air conditionné.
La rue Ben-Yehouda qui porte le nom du père de l’hébreu moderne a été paradoxalement surnommé dans les années 30, la Ben-Yehuda Strasse, tant elle était populaire parmi les nouveaux arrivants d’Allemagne qui fuyaient le régime nazi. Aujourd’hui, la rue Ben-Yehouda est une rue avec beaucoup de petits restaurants populaires et de nombreuse boutiques de souvenirs. Elle reflète l’image d’une Tel Aviv active et commerçante, quelque peu brouillonne. Je me souviens que c’était la rue des fourreurs, ils sont aujourd’hui en voie de disparition. Maisons détruites et reconstruites, immeubles délabrés des années 1970, trous béants de chantier, surélévations plus ou moins réussies de bâtiments existant, rénovations d’autres : c’est le nouvel éclectisme de Tel Aviv.
Sur la vitrine d’un supermarché, une affiche pour les 66 ans d’Israël avec le portrait d’Eliézer Ben-Yehouda. A chaque intersection, n’oubliez pas de regarder vers la mer. Je pense à ce poème de David Avidan où il dit : Les rues décollent vers la lumière comme un tapis magique.
Un hôtel arty, l’Art plus. Bet El Al, la tour d’El Al, a été construite, elle-aussi, sur l’emplacement d’un cinéma. Oui, la rue Ben-Yehouda était la rue des cinémas. Beth El Al est considérée comme la première tour de bureaux d’Israël. Elle mériterait bien un petit ravalement.
Au coin de la rue Frishman, le café Mersand, une institution où il fait bon siroter des Lemonarak, mélange de jus de citron et d’arak.
En 1958, au n°77-79, fut construit le premier supermarché d’Israël, le Supersol, le shufersal. Après tant d’années en Israël, je suis toujours indécise sur la manière de prononcer son nom. Au-dessus, du supermarché, un bâtiment de onze étages conçu par l’architecte Nahum Zolotov, l’un des adeptes du brutalisme en Israël, cette architecture du béton, si sabra par certains de ses côtés tranchants et sans concessions. J’ai appris en regardant la télé dans un avion d’El AL que cet immeuble était en fait le premier immeuble d’habitation à plus de quatre étages dans tout Israël ! Ben-Yehouda, la rue des premières fois. Elle s’associe pour moi à l’enfance de mes enfants, c’est là prés du supermarché qu’ils attendaient leur bus de ramassage scolaire, c’est là que je faisais mes courses. Et puis la synagogue. Bloc de béton. Et surtout le souvenir de Yom Kippour avec Léon.
Arrêt au coin de la rue Gordon, j’observe le bâtiment au n°85, sa composition est magnifique. Il faut voir la beauté derrière son aspect usé, ses moteurs d’air conditionné apparents, la saleté de l’enduit et les trainées des réparations de béton. En face, Tamara et ses yoghourts glacés à déguster sur des balançoires.
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Tel Aviv, En marchant, en écrivant : Marche n°22
Distance parcourue : 1 kilomètre 700 mètres
Date : 11 mai 2014/ 11 Iyar 5774
Pour lire toutes les marches du projet Tel Aviv, en marchant, en écrivant
Brigitte
Juin 06, 2014 @ 21:14:03
Et il y avait sur la rue ben yehouda tout au nord encore un autre cinema qui s’appelait le « tkhelet » (bleu ciel) et qui passait des films de qualite , jusque sans les annees 90 et qui n’existe plus. Je ne sais pas si le batiment est encore debout ou s’il a ete detruit.
rahm
Juil 16, 2014 @ 18:08:01
Israel Israel !que ce que j ait de te quitter en 68 ,
on manger les falafels a hetsy lira a la tahanat merkazy de tel aviv
voila ,
may god HM bless Israel