Une Résidence à Jaffa

Dans le cadre de mon Billet de l’Invité, j’ai le plaisir d’accueillir aujourd’hui Guylain-David Sitbon.

Les visiteurs de la résidence privée de l’Ambassadeur de France en Israël se rendent vite compte qu’ils se trouvent dans une des plus belles réussites architecturales du pays sinon de la région. Ils seraient agréablement surpris d’apprendre qu’elle est le fruit de l’amitié improbable entre un très riche notable arabe de Jaffa et un architecte juif de Tel Aviv.
C’est curieusement, ou non, dans un article de presse d’un magazine Internet juif américain Tablet que j’ai découvert cette histoire. Comme beaucoup de choses qui se passent ici elle a un parfum d’Orient compliqué et de services secrets………qui devrait inspirer un auteur de roman ou de scénario.

Jugez-en plutôt :
Abdel Rahim, notable arabe de Jaffa, aux idées avancées pour sontemps, fréquente le Rotary Club. Là il se lie d’amitié avec Itshak Rapoport, architecte juif né en Ukraine et lui demande de lui bâtir une villa dans le quartier d’Ajami, surplombant la mer.
Nous sommes au milieu des années trente.
La villa sera donc de style Bauhaus minimaliste à l’extérieur. Rapoport lui donnera son aspect unique grâce à sa manière de conserver et d’intégrer des éléments de l’architecture arabe. Abdel Rahim, qui reste malgré tout attaché à ses traditions, lui demandera de maintenir l’intérieur de la maison suivant le principe de séparation domaine- des -hommes et domaine -des –femmes.
Les années trente sont aussi, hélas, celles où les premiers pogroms anti- juifs des années vingt vont se répéter et les tensions devenir insupportables.
Abdel Rahim tient à sa villa et à son ami Rapoport. Il organise un circuit secret qui permet à notre architecte de traverser, déguisé en arabe, les lignes séparant les deux communautés. Là, une voiture l’attend pour l’accompagner sur le chantier afin de superviser les travaux.
Seulement voilà Abdel Rahim était aussi le chef de l’organisation arabe chargée de perpétrer les attentats……….et il ne savait pas que Rapoport était lui membre des services secrets de la Hagana.
Cette amitié hautement improbable a donc permis à l’architecte-déguisé d’entendre parfois ce qu’il n’était pas censé comprendre et de déjouer certains attentats.
Mais l’amitié était malgré tout sincère des deux côtés et la suite le prouvera. Lorsque est arrivée la guerre de 1948 et la défaite arabe, Abdel Rahim sera un de signataires de la reddition de Jaffa et décidera de partir au Liban. C’est alors à Rapoport et à lui seul qu’Abdel Rahim confiera les clefs et les titres de propriété de sa maison car il était à ses yeux le seul, bien que juif, à qui il pouvait faire confiance.
Bien lui en a pris puisque Rapoport a défendu farouchement les intérêts de son ami vis-à-vis de la jeune administration du pays qui voulait saisir la propriété et la transformer en bâtiment officiel.
La villa a été rachetée par la France en 1949 qui en a fait ce qu’elle est devenue aujourd’hui : la résidence privée de son Ambassadeur.
Oded Rapoport, fils de Itshak, devenu lui-même architecte, raconte avec humour qu’il reçoit, à chaque changement d’Ambassadeur, un coup de fil lui demandant si il peut procéder à telle ou telle amélioration ou changement jugé indispensable par le nouvel occupant des lieux ou son épouse.
J’aurai pu m’arrêter là mais …voilà que Oded s’est lui aussi lié d’amitié avec un habitant de Gaza qui lui a aussi demandé de lui construire une maison…Cela est une autre histoire………..
©Guylain-David Sitbon

Une visite guidée en compagnie de l’Ambassadeur de France en Israël, Christophe Bigot:

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