Célébrer la vie, portrait d’une sage-femme israélienne

Cet article est paru dans  Contact J, le mensuel d’expression du judaïsme belge du mois d’avril 2010.

Lydia Lanxner est née à Bruxelles, a fait ses études d’infirmière aux Etats-Unis, a exercé à l’hôpital Mont Sinaï à Hartford, Connecticut. Elle est arrivée en Israël en 1986 et depuis elle travaille à l’hôpital Laniado à Netanya. D’abord en soins intensifs puis en tant que responsable du plan d’urgence de l’hôpital, une fonction qu’elle exerce toujours.

L’hôpital Laniado de Netanya

L’hôpital Laniado est situé dans la Kyriat Sanz, un quartier ultra-orthodoxe de Natanya fondé par le rabbin Klausenberg de Sanz(1905-1994) qui a perdu sa femme et ses 11 ans enfants pendant la Shoah. Il avait alors fait le vœu de consacrer sa vie à la vie. L’hôpital établi en 1976 fonctionne suivant les lois de la Halacha, est ouvert à tous, sans distinction de religion.

Lydia, vous avez à 50 ans décider de suivre une formation d’accoucheuse. Pourquoi ?

Après la deuxième intifada et les attentats et notamment celui du Park Hôtel (il ya eu 18 attentats à Netanya pendant la Seconde Intifada et Laniado a traité plus de 800 victimes), j’ai eu le sentiment d’avoir fermé les yeux à beaucoup trop de personnes. J’avais besoin de tenir la vie en main et ce n’est pas une métaphore. Ma décision de devenir sage-femme est la conséquence de toutes ces années sanglantes.

Lydia Lanxner ©Rachel Samoul

Quel est le cursus à suivre pour devenir sage-femme en Israël ?

Une sage-femme en Israël doit être une infirmière diplômée, de préférence avec une maîtrise et avoir deux ans d’expérience en tant qu’infirmière. La formation dure un an et demi. C’était un privilège de retourner étudier.  J’ai appris sur le corps de la femme, sur l’obstétrique bien entendu mais surtout sur moi-même.

J’ai choisi de faire mon stage d’accoucheuse à l’hôpital Soroka de Beer-Sheva, l’hôpital où il y a le plus grand nombre d’accouchements en Israël. J’ai suivi une formatrice. D’abord, j’ai regardé, puis j’ai appris en mettant littéralement mes mains sur ses mains. Etre accoucheuse, ce n’est pas seulement un métier, c’est un art qui passe par le toucher.

Quelles sont les nouvelles tendances en Israël?

Il y a eu plus de 500 naissances déclarées à la maison en Israël l’année dernière mais l’accouchement à domicile ne progresse pas vraiment. Pourtant, ces femmes constituent un groupe pilote qui constitue une source d’inspiration pour nous à l’hôpital. La compétition entre les salles d’accouchement en Israël est intense et contribue à améliorer le système.

Par contre, les femmes israéliennes utilisent de plus en plus les services des doulas, les accompagnantes à la naissance, qui vont les aider à se relaxer et les soutenir pendant l’accouchement. Cette situation pouvant créer des conflits entre la doula et la sage-femme, l’hôpital Laniado a créé sa propre école de doula.

La société israélienne est très diverse. Comment ces différences s’expriment pendant l’accouchement ?

De plus en plus d’hommes ultra-orthodoxes sont présents mais ne regardent pas, ou lisent des psaumes derrière la porte. Ils ne touchent pas leur femme mais leur parlent avec infiniment de douceur. Quelques femmes musulmanes très religieuses ne veulent pas être soignées par de hommes et quand c’est possible, en Israël, on accepte leur demande. Mon rôle de sage-femme est de mettre les femmes en confiance, de les rassurer. Pendant un accouchement, les masques tombent, les différences culturelles importent peu, on est face à la personne telle qu’elle est.

Quelques accouchements exceptionnels ?

Le 18ème enfant d’une femme arabe

Une femme de 46 ansUne jeune fille de 16 ans, une jeune éthiopienne qui venait d’arriver en IsraëlL’accouchement de ma belle-fille et la naissance de mon petit-fils Ido, il a six mois.

C’est un privilège de se retrouver dans l’intimité d’un couple, de regarder une mère regarder son enfant pour la première fois. On met des enfants au monde et à ce même moment, on crée des parents. C’est à chaque fois, un miracle renouvelé. J’ai vraiment l’impression qu’un ange descend du ciel, fait ffffh… l’enfant pleure. Je suis vraiment privilégiée, je fais ce que j’aime et je célèbre la vie en Israël.

©Rachel Samoul