Espions de nulle part, l’avant-Mossad, Matti Friedman

Une recension du livre passionnant de Matti Friedman, « Espions de nulle part, l’avant-Mossad » écrite par David Chemla

« Espions de nulle part » de Matti Friedman, éditions Liana Levi, traduction de l’anglais par Anne Rabinovitch

Tous les membres du Palmach, cette unité de commandos qui sera intégrée dans la future armée du jeune Etat après sa création, n’avaient pas les yeux bleus et n’étaient pas blonds comme Paul Newman alias Ari Ben Cannan dans le film Exodus. Certains étaient bruns et avaient les yeux noirs comme Gamliel, Isaac, Havakuk ou Yakuba, les quatre personnages du livre passionnant, « Espions de nulle part », que vient de publier Matti Friedman aux éditions Liana Levi.

Nés en Syrie, au Yemen ou dans la Palestine mandataire, ils avaient de 20 à 25 ans en 1948 et appartenaient à la section arabe du Palmach. On les appelait les Mista’aravim (« Ceux qui passent pour des Arabes »). Recrutés, avec d’autres juifs issus également des pays arabes, ils avaient inventé leurs propres méthodes d’espionnage avant d’être envoyés pour accomplir des missions, d’abord du côté arabe de la Palestine avant le départ des Anglais, puis après la création d’Israël dans les pays voisins qu’ils avaient rejoints en se mêlant aux réfugiés palestiniens. 70 ans avant « Fauda », la célèbre série télévisée israélienne, qui retrace les actions menées actuellement par une unité d’Israéliens infiltrés dans les territoires palestiniens, il leur était sans doute plus facile de se faire passer pour des Arabes que les Mista’aravim d’aujourd’hui. Ils parlaient les différentes variantes de la langue arabe, étaient capables de réciter des sourates du Coran et connaissaient la culture arabe parce que c’était, en partie, la leur depuis leur enfance. Par contre à la différence de leurs successeurs d’aujourd’hui, qui ont derrière eux un Etat fort et une armée pour les soutenir en cas de besoin, eux n’étaient même pas sûrs que le pays, qu’ils avaient quitté au début de la guerre d’Indépendance, existait encore depuis leur départ en mission. Ils prenaient des initiatives, envoyaient des messages par radio, sans être certains que quelqu’un se trouvait à l’autre bout pour les réceptionner. Si nos quatre héros ont pu regagner Israël, quelques années plus tard, beaucoup de leurs amis ont été attrapés et ont disparu pendant la guerre. Ceux qui sont revenus ont poursuivi leurs activités au sein du Mossad, les services secrets israéliens.

Ce livre redonne aux juifs orientaux la place qui a été la leur dans les combats pour la création et la défense d’Israël à ses débuts. Matti Friedman raconte leur histoire qu’il a pu reconstituer en se basant sur le témoignage de Isaac Shoshan, qui à 93 ans était le seul survivant de ces quatre « Espions de nulle part », et sur d’autres sources qui ont été déclassifiées.

©David Chemla