Promenade alternative dans Tel-Aviv
Dans le cadre du Billet de l’invitée, Brigitte C., la chroniqueuse cinéma israélien de Kef Israël nous raconte une promenade alternative dans Tel Aviv, une promenade organisée par Darkenou et guidée par Catherine Saïd, co-fondatrice de Zaatar tours.
Départ de la Promenade à la Tour de Neve Tsedek, 61 rue Eilat. J’aime la rue Eilat et ses commerces insolites – un magasin consacré uniquement aux ciseaux, un autre aux pinceaux et brosses, un autre encore au liège sous toutes ses formes – et l’alternative qui donne l’accolade à la promenade, ça me plaît.
« Savez-vous que cette tour se surnomme la ‘tour des dentistes’? » Parce que beaucoup de dentistes français nouvellement immigrés y ont installé leur cabinet’. Et coïncidence amusante, Dalia Chiche, l’architecte de la tour est ici, avec nous, pour la promenade. Derrière la tour, vers la mer, Neve Tsedek, jadis quartier pauvre et délaissé est devenu depuis les années 80, un quartier rénové et très branché. Juste en face de la tour, nous traversons la rue Eilat et d’un coup, changement de monde total, on entre dans le quartier de Florentine, du côté cour, et là, nos yeux sont assaillis par des dizaines de graffitis du Street Art qui coulent dans les rues sur les murs nus et les rideaux de fer des ateliers fermés ce vendredi matin. Au 19 de la rue Abrabanel, Diwan, le seul café bédouin de TLV, où certains vendredi Yaïr Delal vient chanter. Un raccourci par une petite rue qui se nomme ‘rue de la scie’, sans doute en écho aux menuiseries des Juifs de Salonique venus s’installer ici dans les années 20 dont certaines subsistent encore nous ramène à la rue Abrabanel.
Arrêt à la galerie ‘Pahot Me-Elef’ qui vend comme son nom l’indique des œuvres d’artistes israéliens et du Street Art pour moins de mille dollars. Nous tournons à gauche dans la rue Florentine, où vivent étudiants et artistes. Ce quartier a même donné naissance à une série-culte qui porte son nom. Montons la rue Matalon – si vous cherchez des déguisements pour Pourim qui approche, c’est l’endroit – , traversons la rue Levinsky où les clients font la file sur les trottoirs pour acheter amandes et olives, et hâtons le pas vers la gare des bus, immense bâtiment labyrinthique à moitié abandonné, il n’y a pas si longtemps truffé de dizaines de magasins fermés maintenant pour la plupart, et à travers un dédale de couloirs nous arrivons sous les combles dans un lieu surprenant, le musée du livre yiddish, où nous accueille d’abord Oscar Olivier, un ressortissant congolais réfugié politique, converti au judaïsme et militant pour les droits et le respect des réfugiés en Israël. Il nous parle avec intelligence des problèmes des réfugiés et de leurs relations avec le voisinage, des associations qui leur viennent en aide, de la non-ingérence de l’Etat et évoque des solutions. Avec calme, avec passion.
Puis dans ce même lieu, Mendy Cahan, le fou du yiddish, nous parle de sa mission de sauvegarder les œuvres écrites en cette langue qu’il collecte parmi les particuliers et n’en a pas moins de 47.000 à ce jour ; quand il commence à chanter de sa très belle voix Brel en yiddish, on rit un peu puis un profond silence se fait tant on est saisi.
On se promène dans les rues de Tel Aviv et on découvre Oscar et Mendy et leurs combats pour la dignité et contre l’oubli.