En marchant, en écrivant : Un petit bout de boulevard
A propos du projet Tel Aviv, en marchant, en écrivant
Ma promenade commence au numéro « Un » du Boulevard Rothschild, à mon avis, l’une des tours les plus réussies de ces dernières années, verre et acier, bleu et blanc. Sur cette portion du boulevard tout juste réouverte au public et totalement piétonnière, un damier noir et blanc du plus bel effet, des chaises-longues et des bancs et sur l’esplanade devant la tour, la fontaine-mosaïque de Nahum Gutmann. L’histoire de Jaffa et de Tel Aviv racontée en mosaïques. C’est amusant d’identifier les scènes : Jonas jeté par dessus bord à Jaffa qui se retrouve dans le ventre de la baleine, le débarquement des cèdres du Liban au port de Jaffa pour la construction du Premier Temple, le rocher d’Andromède, les Croisés, Napoléon, la visite du philantrope anglais Moïse Montefiore puis celle d’Herzl, l’arrivée de nouveaux immigrants, la construction de Tel Aviv. Une mosaïque naïve et très colorée, réalisée à Ravenne, le centre de cet art depuis au moins le VIe siècle. Une autre mosaïque de Nahum Gutmann se trouve dans la tour Shalom construite sur l’emplacement de ce qui fut le centre stratégique, culturel et éducatif de la Tel Aviv en devenir, la Gymnasia Herzliya.
Petit crochet au niveau de la fontaine, en passant devant l’Institut français de Tel Aviv et l’excellent restaurant italien Pronto pour rejoindre dans la rue Herzl, la maison en briques d’Arieh Akiva Weiss, l’homme derrière l’idée de cette première ville hébraïque, Ahouzat Bait, le Domaine, qui n’a pas hésité à appeler sa fille Ahouzabeth en hommage à la nouvelle cité. Dans la maison, il avait installé la première société cinématographique du pays, Or Hadasha, la Nouvelle lumière. Il était persuadé que la future Tel Aviv (Ahouzat Bait prendra ce nom en 1911) qui n’était encore qu’une petite bourgade dans les dunes, serait le New York du pays à venir ! Quelle vision et quel optimisme !
De retour sur le boulevard Rothschild et petite-pause café au kiosque. Avant les cafés et les restaurants, on ne pouvait se désaltérer que dans les kiosques de Tel Aviv. Toit pointu et volets rabattables, ils sont devenus un emblème de la dolce vita telavivienne.
J’empreinte le boulevard. Nonchalance joyeuse. Il est vivement conseillé de s’asseoir sur l’un des bancs et de regarder les gens passer. Plus loin, juste devant le 16 Rothschild, la maison où l’Indépendance d’Israël a été prononcée et qui appartenait au premier maire de Tel Aviv, Meir Dizengoff, une statue en bronze de celui-ci portant un chapeau melon et à cheval par le sculpteur David Zundelovitch.
Tour – maison de style éclectique – tour – maison Bauhaus – tour – chantier béant…
A l’intersection avec la rue Nahalat Binyamin, le monument élevé en 1949 pour les quarante ans de Tel Aviv avec d’un côté les noms de ses fondateurs et de l’autre un bas-relief en bronze et la devise tirée de Jérémie : Tu construiras et tu seras construit, réalisé par Aharon Priver. Une devise que l’on rencontre aussi sur le blason de la ville conçu par notre mosaïste Nahum Gutman. Devant le mémorial, sur cette place des fondateurs, Kikar HaMeyassedim : un bassin rappelle qu’exactement à cet endroit a été creusé le premier puits de Tel Aviv et que s’élevait là le premier château d’eau de la ville. Mais surtout c’est ici que le 11 avril 1909, deuxième jour de Pessah, Arieh Akiva Weiss dont nous avons vu la maison au début de la promenade a réuni 66 coquillages gris et 66 coquillages blancs, a inscrit les noms des participants sur les coquillages blancs, et les numéros de parcelles sur les coquillages gris et a procédé à une loterie pour allouer les parcelles aux habitants.
Au coin d’Allenby et de Rothschild, un très bel édifice avec une tourelle et une colonnade édifié par l’architecte Yehoudah Magidovitch, l’un des plus créatifs de Tel Aviv qui a vieilli avec la ville et qui a su passer du style éclectique au modernisme. Le bâtiment a abrité longtemps l’hôtel Ben Nahum ou Pension Genosar, le premier hôtel de luxe de la ville. La rénovation de la maison a été payée par la construction de la tour d’à côté.
Le boulevard Rothschild comme le reste de la ville est en perpétuelle mutation. Si je refais cette promenade dans deux semaines ou dans deux mois, le boulevard sera encore différent, un trou béant à la place d’une maison dont j’ai déjà oublié l’apparence, un nouveau restaurant, des nouveaux bancs, une nouvelle pelouse, la vie qui coule et change, la ville qui n’est jamais la même mais que j’aime à chaque fois…
Lire la marche précédente: Pagode au coeur de Tel Aviv
Lire la marche suivante : Allenby, d’une place à l’autre
Tel Aviv, En marchant, en écrivant: Marche n°19
Distance parcourue: 700 mètres
Date: 27 mars 2014/25 Adar Beth 5774
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esther kervyn miller
Mar 30, 2014 @ 16:09:53
Tel Aviv, en marchant,en écrivant! oh, Rachel! ce qui me donne du véritable plaisir! « emblème dolce Vita telavivienne » toit pointu et volets rabattables . Et l’histoire des 66 coquillages blancs et noirs, c’est assez impressionnant, quelle force squel humanisme! Pour Pessah, je rappelle à tous nos amis, la phrase que tu nous as écrites « tu construiras et tu sera construit. Merci!!! lieve Rachel! tu es uniques!