En marchant, en écrivant : Pas à pas
A propos du projet Tel Aviv, en marchant, en écrivant
Si je veux mener à bien mon projet de marcher dans toutes les rues de Tel Aviv, il faut aussi que je passe par des avenues que toute personne normalement constituée n’emprunte que par obligation. Ces avenues sont bruyantes, polluées et à première vue sans aucun intérêt.
Départ donc de la station d’autobus d’Arlozoroff. Derech Namir. Derech, presque une route, une voie. Monsieur Namir fut le cinquième maire de Tel Aviv et a donné son nom à cette artère parallèle à la côte qui s’appelait avant lui, en toute logique, la route, la voie de Haïfa. Syndicaliste, Député, Ministre du Travail. Cette route besogneuse lui va bien.
Le parc Volovesky-Karney est squatté par des tentes de personnes qui ne trouvent pas à se loger à Tel Aviv à un prix décent. Ce sont les irréductibles de la contestation sociale de l’été 2011. Ils ne sont pas installés sur la très chic avenue Rothschild mais au croisement de routes embouteillées dans un parc insalubre et détrempé après la tempête historique de ces derniers jours. C’est un mini-camp de réfugiés aux portes de Tel Aviv.
Je continue ma route accompagnée du ronronnement continu du moteur des voitures, effrayée de temps en temps par la sirène d’une ambulance ou les craquètements répétés des claquesons comme disait Raymond Queneau.
Je joue à cache-cache avec les tours Azrieli. Le triangle, le cercle, le carré se présentent à chaque pas de manière différente. Un pas, le soleil frôle la tour triangulaire, un autre pas, le soleil a disparu, encore un autre pas, je ne vois plus que deux tours. Un tour de pas-se-pas-se en quelque sorte !
Une enfilade d’arrêts d’autobus. Beaucoup de monde.
Je croise un cadavre de parapluie dans lequel se blottit un chat roux. Une jolie fille me dépasse. Elle porte des cuissardes et une jupe en cuir noir extrêmement courte. La jupe remonte, elle la tire vers le bas puis vérifie si tout va bien en se caressant les fesses. Un ou deux pas plus loin, elle recommence l’opération. Je souris. C’est touchant cette coquetterie et cette conscience de soi alors que jusqu’à présent, je n’avais croisé que des personnes aux visages fatigués qui allaient d’un bus à l’autre.
Toujours sur la voie Namir, je traverse la rue Kaplan. A ma droite. Un immense chantier. Des grues. Un trou profond. Des camions. La ville se fait, se défait. Autour des petites maisons du village de Sarona construit par les Templiers allemands à la fin du siècle dernier, je veux dire, à la fin du XIXe siècle, des tours s’élèvent. La Manhatanisation de Tel Aviv est en route. Béton et verre.
Je tourne dans Menahem Begin puis dans Carlebach. Rédacteur en chef du journal Yedioth Aharonoth en 1937 qu’il quitte pour fonder le Maariv, un journal au nom de prière.
Je marche sur Carlebach en longeant un nouveau chantier, de nouvelles tours en préparation et je me demande une fois de plus ce qui me pousse à défricher, à déchiffrer ainsi ma ville et me viens à l’esprit cette citation de Marcel Proust :
Nous sommes tous obligés pour rendre la réalité supportable d’entretenir en nous quelques petites folies.
Tel Aviv, En marchant, en écrivant: Marche n°11
Distance parcourue: 3 kilomètres
Seule
Date: 12 Teveth 5774/ dimanche 15 décembre 2013
Pour lire toutes les marches du projet Tel Aviv, en marchant, en écrivant
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esther kervyn miller
Jan 02, 2014 @ 23:03:00
lorsqu’on vit dans sa ville, lorsqu’on est chez soi, nous pardonnons les imperfection, et nous participons avec allégresse pour parfaire ce qu’il faut! j’adore le » chat roux « sous le parapluie!