En marchant, en écrivant : Cerbères et autres canidés
A propos du projet Tel Aviv, en marchant, en écrivant
Vendredi, cinq heures. Nous rentrons à pied du travail par la rue King George. La ville s’apaise peu à peu. Nous arrivons à l’Ozen HaShlishit, à la Troisième Oreille, un lieu culte de Tel Aviv. Installé d’abord rue Sheinkin en 1987, le magasin est passé du statut de disquaire et de location de DVD à celui d’icône culturelle. Sur la place à côté, une jeune fille joue du piano. Nous flânons. Un bâtiment de style brutaliste domine le square. Je remarque les coeurs rouges tricotés de l’artiste Maya Gelfman. Charles est concentré sur la lecture des noms des victimes sur un mémorial. Victimes d’attentats ? Non, il s’agit des cent trente trois victimes des deux bombardements italiens sur Tel Aviv le 9 septembre 1940 et le 12 juin 1941. Je relève deux noms : Esther Kramer et Assa Mandel.
Nous traversons l’avenue Ben-Tsion. En miroir, une autre place. Une sculpture de Yaacov Dorchin avec des chiens à moins que ce ne soient des loups. En tous cas, à chaque fois que je passe devant, résonne dans ma tête la chanson de Serge Reggiani sur les loooups qui entrent dans Paris. C’est un assemblage de morceaux de ferraille récupérés. Une sorte de tonneau ou de puits sur lequel trônent les quatre Cerbères et quatre sellettes d’attelage, le tout posé sur des rails. Sans doute, les portes de l’enfer.
Nous allons vérifier comment s’appelle le square. Il s’agit du square Solomon Mikhoels, שלמה מיכאָעלס, inoubliable dans son interprétation du Roi Lear en yiddish. Membre du comité antifasciste, il avait participé au Livre Noir. Assassiné sur l’ordre de Staline. Je me demande si le mémorial en souvenir des victimes des bombardements italiens, la sculpture de Dorchin, le tout sur une place qui porte le nom d’un acteur yiddish éliminé en URSS est le fruit du hasard. Un tel fossé entre cette violence et la sérénité de l’heure.
Nous dépassons le magasin de livres d’occasion et de cartes anciennes Pollak. Fondé en 1899 pas à Tel Aviv qui n’existait pas encore mais à Bucarest. Une affaire de famille. Des cartes précieuse et plus de 50 000 livres.
Un peu plus loin et en face, devant le Gan Meir, des associations de protection des animaux proposent des chiens à adopter. Je connais une chienne adoptée là du nom de Rosie qui habite maintenant Jérusalem. Elle est charmante, elle n’a rien à voir ni avec les loups, ni avec les Cerbères.
Nous hâtons le pas, il faut préparer le repas de Shabbat.
Tel Aviv, En marchant, en écrivant: Marche n°4
Avec Charles
Distance parcourue: 2 kilomètres 600
Date: 23 Tichri 5774/27 septembre 2013
Pour lire toutes les marches de la série Tel Aviv, en marchant en écrivant
Philippe
Oct 12, 2013 @ 22:47:00
Merci continuez a nous faire découvrir Tel Aviv et aussi toutes les endroits que vous décrivez dans vos Articles sont toujours magnifiques
Le bouquiniste de Tel-Aviv est mort. Des milliers de livres offerts aux israéliens. – IsraelValley
Mai 31, 2021 @ 10:48:04
[…] Selon (1) : « La semaine dernière, j’ai trouvé par hasard chez le bouquiniste Pollak rue King George à Tel Aviv un recueil de poèmes de Benjamin Fondane, « Le mal des fantômes », aux éditions […]