Eliezer Ben Yehouda et l’hébreu

L’hébreu est la langue de la Bible, de la Thora. Une langue qui va traverser les âges alors qu’elle n’est plus reliée à un pays mais à un peuple, le peuple juif. Pourtant si les Juifs vont continuer à écrire, à lire cette langue, à prier dans cette langue, ils vont de moins en moins la parler.

Déjà, à l’époque du Second Temple, la langue la plus utilisée en Eretz-Israël n’était pas l’hébreu mais l’araméen.

Pendant des siècles, les Juifs ont parlé d’autres langues, Ces langues provenaient d’un mélange d’hébreu et de la langue du pays dans lequel ils vivaient : le yiddish, un mélange d’allemand et d’hébreu, le judéo-espagnol, un mélange d’espagnol et d’hébreu, de même pour le judéo-arabe et ainsi de suite.  Ces langues s’écrivaient toujours en lettres hébraïques.

L’hébreu ne fut jamais oublié. Parce que c’était la langue des prières mais aussi parce qu’elle est restée une langue de communication et de création. Au Moyen-âge, des poètes juifs écrivaient en hébreu, des rabbins écrivaient des commentaires en hébreu et s’échangeaient des lettres d’un pays à l’autre en hébreu.

Si un Juif venu de Pologne rencontrait un Juif du Maroc, leur langue commune avait toutes les chances d’être l’hébreu. Mais, aucun parent ne parlait en hébreu à ses enfants. L’hébreu n’était plus une langue maternelle.

Grâce à la Haskala, les Lumières juives, l’hébreu connaît au début du XIXème siècle une première phase de renouveau comme langue littéraire.

Dans les années 1870, alors que se répandait l’idée de la nécessité d’une terre pour le peuple juif, l’utilisation de l’hébreu est considérée comme un retour aux sources. Des journaux en hébreu, une littérature non religieuse en hébreu se développent.

Cependant, c’est Eliezer Ben Yehouda (1858-1922) qui va faire de l’hébreu une langue parlée. Pour lui, c’est une évidence, sans hébreu, il ne peut y avoir de véritable renaissance nationale.

En hébreu et seulement en hébreu devient le mot d’ordre d’Eliezer.

« Rak Ivrit » « seulement en hébreu », רק עברית

Un engagement qu’il va suivre toute sa vie. Il doit aussi décider quelle prononciation de l’hébreu choisir, la prononciation séfarade lui parait la plus authentique.

Malgré les moqueries, -les habitants de Jérusalem le prennent pour un fou-, il décide de former un foyer hébreu avec sa femme Déborah alors que personne n’utilise cette langue pour des échanges quotidiens.

Il veut faire de son fils Ben-Sion Ben-Yéhouda qui nait en 1882 (plus connu sous son nom de plume Itamar Ben-Avi), « le premier enfant hébreu de l’ère moderne ». Pour cela,  le petit Ben-Sion n’aura pour seule compagnie que celle de ses parents et de rares adultes qui parlaient hébreu. Interdiction pour lui de côtoyer d’autres enfants. Ben-Sion va donc parler beaucoup plus tard que les autres enfants (à l’âge de 4 ans) mais son premier mot Aba, Papa en hébreu va retentir comme  » la première parole hébraïque vivante ».

Eliezer Ben-Yehouda est en passe de réaliser son rêve : « La Renaissance d’Israël et de sa langue sur la Terre des Pères »

Sa méthode révolutionnaire pour l’époque, de « l’hébreu par l’hébreu » fonctionne. En 1909, il y a seulement 17 familles hébraïques à Jérusalem mais grâce à l’action d’instituteurs qui vont enseigner l’hébreu dans les écoles, l’hébreu va s’imposer. Ecoles, journaux, livres, jeux. Création d’un comité de la langue hébraïque chargé d’accepter les mots nouveaux.

Eliezer Ben Yehouda

Eliezer Ben Yehouda travaille toute sa vie sur le Dictionnaire de la langue hébraïque ancienne et moderne. Un milon en hébreu. Dans son autobiographie, il affirme que milon (dictionnaire) est en fait le premier nouveau mot hébreu qu’il a créé à partir du mot « mot/ mila ». Non seulement il fait l’inventaire de toutes les ressources de langue hébraïque existante, mais il crée quantité de nouveau mots pour décrire les nouvelles réalités de son époque. Des mots comme téléphone, poupée, glace… Il travaille à cette œuvre qui comportera 17 tomes jusqu’à la fin de sa vie. Les premiers volumes sont publiés en 1910. Sa deuxième femme et son fils Ehud poursuivront son travail et termineront en 1959.

Aujourd’hui,  l’hébreu est une langue parlée  par à peu près 15 millions de personnes en Israël  et dans le monde. Des films en hébreu, des émissions pour enfants, des berceuses en hébreu, des chansons, des bandes dessinées en hébreu, des romans, des poèmes, des cours à l’école et à l’université.

Des mots nouveaux viennent s’ajouter chaque jour à cette langue très ancienne, grâce à la volonté d’un rêveur acharné, Eliezer Ben-Yehouda et de tous ceux qui ont adhéré à son rêve.

Une chanson en son honneur écrite par Yaron London et mise en musique par Matti Caspi

 

 

3 Comments

  1. La Maison Bialik « Kefisrael
    Jan 04, 2009 @ 16:55:46

    […] Il écrit en hébreu de nombreux recueils de poésie. Il est à la poésie hébraïque ce qu’Eliézer Ben-Yehouda est au renouveau de la langue hébraïque […]

  2. Naissance d’une communauté nationale juive
    Mar 11, 2014 @ 12:24:10

    […] Juifs de Palestine » à Zi’hrone-Ya’akov et dont les débats se déroulent intégralement en hébreu. Les délégués exigent la fusion des micro-communautés existantes du Yichouv en exigeant, […]

  3. Paul
    Jan 13, 2018 @ 21:34:27

    A propos des mots croisés en hébreux;
    Arthut Koestler qui vers les années 1920-25, pensait vivre au kibboutz, fut le premier à introduire les mots croisés en Hébreux.
    Cette période est d’ailleurs très bien décrite dans son fameux livre; « La Tour d’Ezra  » .

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